> Un impact qui peut devenir positif. Si l’on considère maintenant l’équipe dans sa globalité, à savoir la trentaine de joueurs susceptibles de jouer durant la saison, alors la donne change du tout au tout. Car, en ce cas, plus la disparité des salaires est grande, plus elle a un impact positif sur la performance globale de l’équipe.
Comment expliquer cela ? Eh bien, c’est que la vision des disparités salariales n’est pas la même pour les joueurs ‘actifs’ – ceux qui jouent régulièrement sur le terrain – et pour les joueurs ‘passifs’ – ceux qui jouent à l’occasion (en remplacement d’un joueur vedette blessé, par exemple). Les ‘passifs’ peuvent en effet considérer, entre autres, qu’il est normal que les actifs soient mieux payés qu’eux, puisque ce sont eux qui permettent à l’équipe de gagner sur le terrain. Ou encore, qu’il est normal que les joueurs vedettes touchent le pactole, car c’est ainsi que le club peut les garder et continuer d’enregistrer de belles performances ; ce qui, indirectement, leur est profitable à eux aussi. Bref, on peut dire que les ‘passifs’ se perçoivent comme les wagons du train tiré à toute allure par la ou les locomotives que sont les joueurs vedettes, et se sentent motivés par le fait d’aller si vite et si loin grâce à eux, quitte à ce que le prix à payer soit une grande disparité salariale.
Fascinant, vous ne trouvez pas ? Les écarts de salaires ont par conséquent un impact ambigu : ils peuvent démotiver ceux qui oeuvrent sur un pied d’égalité avec les mieux payés, et qui sont ainsi amenés à se comparer jour après jour ; et ils peuvent motiver ceux qui côtoient les mieux payés sur une base quotidienne, sans pour autant avoir la possibilité de mettre l’épaule à la roue avec eux aux moments cruciaux. Autrement dit, ils démotivent le premier cercle des mieux payés et, simultanément, motivent leur deuxième cercle.
«Les résultats de notre étude peuvent être élargis à d’autres domaines que celui du sport professionnel. Ils peuvent très bien être appliqués au milieu de travail, et notamment permettre aux managers d’améliorer la performance de leur équipe juste en répartissant mieux les salaires», disent les trois chercheurs dans leur étude. Et de souligner : «Il est crucial que le manager tienne compte du ‘coût caché’ de l’employé vedette de son équipe, à savoir de l’impact négatif qu’il a sur la motivation de ses collègues immédiats, un impact qui n’est pas toujours contrebalancé par l’impact positif qu’il a sur la motivation de ses collègues les moins proches, ceux avec qui il n’interagit pas sur une base quotidienne».
MM. Bucciol, Foss et Piovesan recommandent de corriger le tir, au besoin, en profitant des prochaines embauches. Ainsi, il convient de veiller à ne surtout pas offrir un pont d’or à une recrue talentueuse, mais de plutôt l’attirer en lui faisant miroiter, par exemple, des défis audacieux à relever. Il convient également de veiller à ce que les autres recrues, celles qui ne sont pas perçues comme des perles rares, ne souffrent pas d’une grande disparité salariale. Le manager doit dès lors faire preuve de doigté en matière de rémunération.
Que retenir de tout cela ? Ceci, à mon avis :
> Qui entend booster la performance de son équipe se doit d’harmoniser la rémunération des uns et des autres. Il lui faut, bien entendu, rémunérer le talent à sa juste valeur, mais sans pour autant susciter la démotivation de ceux qui vont œuvrer au quotidien avec l’employé vedette. Il lui faut, donc, trouver un juste équilibre, ce qui est possible à partir du moment où il tient compte du ‘coût caché’ du talent. Et ce, en intervenant sur la rémunération des uns et des autres chaque fois que cela est envisageable (embauche, intéressement, prime, etc.).
En passant, le chroniqueur français Aurélien Scholl aimait à dire : «La modestie, c’est la housse du talent».
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