Ce dilemme n'est pas sans rappeler, comme l'indique M. Jeangène Vilmer dans son livre, le fameux dilemme du tramway inventé en 1967 par la philosophe britannique Philippa Foot…
Disons que vous êtes le conducteur d'un tramway. Les freins lâchent. Et vous réalisez au dernier instant que vous filez droit sur un groupe de cinq ouvriers, qui travaillent sur la voie. Ceux-ci n'ont pas le temps de s'écarter, ils vont périr sous vos roues. À moins que vous ne vous engagiez immédiatement sur une voie secondaire, où, là, il n'y a qu'un seul ouvrier qui va se faire écraser par votre tramway. Que faites-vous?
Allons un peu plus loin dans l'expérience de pensée… Disons que vous n'êtes plus le conducteur du tramway fou, mais un simple badaud qui assiste à la scène depuis un pont situé juste au-dessus de la voie. Il n'y a pas cette fois-ci de voie secondaire, mais à côté de vous se trouve un gros bonhomme. Et vous songez que si vous poussiez ce gros bonhomme du pont, il tomberait pile devant le tramway, ce qui l'arrêterait probablement avant de percuter les cinq ouvriers. Que faites-vous?
Notre intuition morale nous dit qu'il est acceptable de sacrifier une personne pour en sauver cinq autres. Dans le premier cas de figure, la plupart d'entre nous déciderions d'engager le tramway dans la voie secondaire. Et pourtant – curieusement –, c'est un peu moins sûr dans le second cas de figure : on s'imagine mal en train de tuer de nos propres mains un homme, dans l'espoir d'en sauver d'autres.
Pourquoi? «Dans le premier cas, on ne viole les droits de personne : on laisse mourir une personne au lieu de cinq. Dans le second, on viole les droits du gros bonhomme : on choisit délibérément de le tuer», note le chercheur de McGill. En conséquence, nous sommes là en présence du premier paramètre susceptible d'influencer une décision liée à un dilemme : «savoir si la menace est détournée ou créée», poursuit-il.