Autre erreur fréquente dans la création de nos évidences : nous généralisons des expériences individuelles. Un cas typique est celui des agences de publicité qui, pour élaborer une campagne de publicité, cherchent à dresser le portrait-type de la clientèle ciblée, puis à inventer une histoire qui attiera son attention au point de déclencher en elle l’envie d’acheter le produit ou le service en question. «Ils prennent des statistiques démographiques sur la cible visée, puis élaborent une histoire pour «Émilie, 27 ans, qui vit à Chicago, qui est titulaire d’un Bac et qui vient d’emménager chez son conjoint Doug», en se demandant ce qu’il faudrait lui dire pour la convaincre d’acheter le produit X.
Le hic, c’est que cette Émilie est fictive, elle ne correspond à aucune réalité. Elle est le résumé d’une multitude de personnes totalement différentes, aux goûts et aux intérêts parfois opposés radicalement, dont les comportements sont très très complexes à anticiper. C’est se mettre le doigt dans l’œil que de chercher à rédiger un message unique qui parlera à tous ces gens en même temps», explique-t-il.
Par conséquent, les évidences ne sont que des généralités trompeuses. Quand on dit que «le succès phénoménal d’Apple est dû au retour dans ses rangs de Steve Jobs», on véhicule l’idée qu’il faut avoir un génie à la tête d’une entreprise pour que celle-ci ait un immense succès. Mais c’est complètement oublier le fait que Steve Jobs n’est pas Apple à lui tout seul, il a quelque 50 000 employés autour de lui, dont quelques-uns, au moins, sont très talentueux…
Idem, nous sommes tous convaincus que si nous gagnions un jour à la lotterie, nous serions plus heureux qu’auparavant. Le fait d’être riche règlerait nos plus gros problèmes, pas vrai? «Malheureusement non, indique M. Watts, certains ennuis seraient certes allégés, voire supprimés, mais d’autres viendraient leur succéder inévitablement et nous rendraient tout aussi misérables que nous l’étions avant.»
Ce que nous enseignent ces exemples, c’est que le bon sens nous aveugle souvent, et nous empêchent de prendre de bonnes décisions quand cela s’impose. On se dit après coup, une fois confrontés à l’échec «Oui, mais si j’avais su ci et ça avant, j’aurais pu prévoir ce qui se serait produit, j’aurais agi autrement et tout ce serait bien déroulé». Pas vrai?
Mais là encore, on se trompe lourdement! En effet, lors de nos prises de décision, nous faisons des prévisions, de savants petits calculs sur les conséquences à court et moyen termes de chacune des possibilités qui s’offrent à nous. Le problème est, dans ce cas, que toute réelle prévision est impossible…