Puis, Mme Akinola a procédé à des tests pour valider la pertinence de son intuition. L’une de ses premières expériences visait à explorer le concept du narcissisme, ce travers dont nous souffrons tous plus ou moins, qui veut que l’on attache une importance excessive à l’image que nous avons de nous-mêmes. «On pourrait dire que le narcissisme une bonne chose au travail, si on le considère comme le fondement de la confiance en soi. Le narcissique se croit meilleur que les autres, il doute moins quand il convient de prendre une décision, etc. Il semble donc avoir un net avantage sur ceux qui ne sont pas comme lui. Mais cela est-il vrai?», lance la chercheuse.
Pour le savoir, elle a composé deux groupes de personnes, l’un composé de personnes hautement narcissiques, l’autre d’individus très peu narcissiques. Et elle a soumis chaque participant à un feedback très négatif, sous la forme d’un entretien individuel très dévalorisant, voire humiliant, sur leurs capacités professionnelles. Après cela, les narcissiques ont affirmé que le feedback n’avait pas été stressant pour eux et qu’ils se sentaient nullement atteints par les critiques formulées. Inversement, les autres ont dit en avoir été blessés au plus profond d’eux-mêmes, au point de se sentir maintenant très stressés.
«Mais voilà, quand j’ai comparé la pression artérielle moyenne des deux groupes, j’ai noté des résultats étonnants. Les narcissiques étaient ceux dont la pression artérielle avait le plus bondi durant le feedback, signe physiologique qu’ils avaient été en réalité les plus touchés par ce qui avait été dit de mal sur eux. Conclusion : les narcissiques sont en fait les plus vulnérables, le narcissisme n’est donc pas le fondement de la confiance en soi», explique Mme Akinola.
Intrigant, non?... La physiologie semble par conséquent permettre d’éviter nombre d’erreurs de jugement. Et ce, dans quantité de domaines, d’après la professeure de Columbia : «On peut penser à la confiance qu’inspire un leader, à la réaction des membres d’une équipe en situation de compétition, à ce qui se passe au moment d’une négociation, ou encore aux conflits de travail. Les voies à explorer sont multiples, j’en suis persuadée», dit-elle.
Voilà. Modupe Akinola est en quelque sorte une pionnière. Elle est partie à la découverte d’un champs d’étude quasiment inconnu, à tout le moins méconnu ou négligé. Ses premières trouvailles paraissent renversantes. Pourvu qu’elle puisse poursuivre comme elle l’entend!
En passant, Hubert Reeves a dit dans L’Espace prend la forme de mon regard : «Pour explorer le champ des possibles, le bricolage est la méthode la plus efficace»…