L’humoriste suisse – sans le savoir – utilise ici une image qui remonte à l’Antiquité. Le philosophe romain Plotin a en effet recouru à l’image de la sculpture de soi dans ses Ennéades pour expliquer que chacun de nous ressemble a priori à un bloc de marbre brut et que, seulement a posteriori, il pourra faire surgir la forme sculptée cachée dans la pierre par un travail sur soi. Comme l’explique d’ailleurs le philosophe français Michel Onfray dans une entrevue accordée au magazine Philosophie : «Nous ne sommes que ce que nous faisons de nous, disent en substance les sages antiques. Savoir ce que l’on est, puis ce que l’on peut être, permet de savoir ce que l’on peut devenir – donc être», explique-t-il.
Michel Onfray? Il est l’auteur, entre autres, du livre intitulé La Sculpture de soi (Grasset, 1991), dans lequel il appelle à «une transfiguration de nos vies par la sculpture de soi», c’est-à-dire par des changements radicaux. Lesquels? Eh bien, cela peut être de retrouver une «vitalité débordante», d’exprimer une «individualité forte» ou encore de développer sa «capacité à la magnificence». En découlera nécessairement un renouveau des valeurs fondatrices de notre société contemporaine : la politesse, l’élégance, la parole donnée, l’amitié, pour ne pas dire les affinités électives chères à Goethe.
Le philosophe y est revenu dans sa récente entrevue, en expliquant comment l’on pouvait concrètement rendre possibles une exploration de soi et une construction féconde de soi. Cela se résume en cinq étapes…
1. La lecture. «L’existence d’un corpus de sagesse ol vieux de trois mille ans contient toutes les pistes existentielles possibles et imaginables ; chacun peut y trouver son compte, en relation avec ce que Nietzsche nomme son idiosyncrasie, soit son tempérament, son caractère», dit M. Onfray.
2. La méditation. «Autrement dit, ne pas lire pour avoir lu, faire assaut de pédanterie, mais ruminer, comme le dit toujours Nietzsche, revenir sur une pensée, en examiner les richesses, les potentialités, les conditions de possibilité.»