JB : Est-ce que le trafic de LaPresse.ca s’est effondré depuis le lancement de La Presse+ ?
GC : Le trafic est resté stable. Moi, je considère que LaPresse.ca et La Presse Mobile compétitionnent plus Facebook et cie que La Presse+. En même temps, il n’y a pas d’engagement de la part des lecteurs. Les gens viennent dans la soirée pour voir des résultats sportifs, par exemple, mais ils ne restent pas. Quand tu n’as pas d’engagement, et que tu mets à la disposition de tes annonceurs le même genre d’annonces qu’on retrouve partout sur le Web, ton CPM est à 6,7, 10 $. C’est dans les CPM de Google ou de Facebook.
JB : C’est donc grâce un engagement accru que vous êtes capables d’imposer un CPM 5, 6 ou 7 fois plus cher sur La Presse+?
GC : On a trois fois plus d’interactions dans La Presse plus que sur n’importe quelle annonce qu’on offre pour le Web. On vend dans La Presse+ un CPM qui est égal à celui du papier, mais on est loin d’être là sur le Web. [Le CPM moyen de La Presse+ serait d’entre 40 et 50$.] C’est 29 milliards de dollars que les journaux ont perdus de 2006 à 2013 en Amérique du Nord. Pendant toute cette période, sur les sites Web d’informations, il s’est créé 700 millions de nouveaux revenus. Pourquoi ? C’est parce que ce ne sont pas des plateformes engageantes et qu’elles se trouvent à offrir le même genre de produit que Facebook.
JB : Je pense qu’on partage le même constat sur l’industrie des journaux, dont l’avenir n’est pas très, très rose. J’ai même l’impression que si tous les journaux vous suivaient, votre modèle aurait peut-être des chances de fonctionner. Mais la réalité, c’est que je peux accéder gratuitement à de nombreux articles de qualité sur le Web et que je ne me limite pas à une seule source. Je vais sûrement continuer à lire des articles de La Presse, mais je ne vais pas en faire ma seule source et passer 40 minutes par jour sur son app.
GC : Ce que je dois faire, ça m’apparaît assez simple; c’est de conserver une salle de nouvelles assez grande pour couvrir les nouvelles qui intéressent la communauté. On s’est départi de l’impression, car je veux plus être une industrie lourde, je veux être une compagnie de contenu et de commercialisation. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a protégé notre salle de nouvelles et protégé notre équipe de ventes. Aujourd’hui, on protège aussi notre équipe de technologie. Car c’est sûr qu’il va falloir évoluer, il va falloir produire quelque chose pour les phablets [les téléphones intelligents surdimensionnés]. Apple TV sort un nouveau décodeur ; on veut aussi être là-dessus. Quand je regarde où on a mis nos efforts, je suis fier qu’on ait encore une salle de nouvelles de 280 personnes. On se dit que, si on est capable de produire des nouvelles de qualité, on risque de pouvoir continuer à produire de l’engagement dans le futur.