Venons-en maintenant à pourquoi il y aura sans doute de toute façon un moratoire.
Ce qui nous a le plus surpris dans la récente tournée de Lucien Bouchard, c'est cette déclaration à La Presse à l'effet que s'il était premier ministre, il demanderait que le Québec ait un régime de droits et redevances équivalent à ce qui se fait ailleurs.
"Si j'étais premier ministre du Québec, jamais je n'accepterais de recevoir moins qu'ailleurs. Alors, ajustons notre affaire. Mais il faut demeurer compétitif. Personne n'exploite le gaz de schiste en Alberta à cause des règles, ils sont tous allés en Colombie-Britannique", dit-il.
Essentiellement, l'ancien premier ministre semble vouloir dire: demandons la même chose, mais n'allons pas demandé plus.
À régime égal à ce qui se fait ailleurs, on ne voit pas trop comment il peut à moyen terme y avoir de l'exploitation au Québec.
L'Amérique du nord nage actuellement dans une mer de gaz naturel en raison justement de l'explosion des techniques d'exploitation des gaz de schiste. Beaucoup de sociétés ne sont pas rentables en raison des surplus qui p`sent sur les prix du marché. Or, les coûts d'exploitation au Québec seront pour un temps significativement plus élevés qu'ailleurs. Nous n'avons en effet aucune expertise, ni masse critique.
En fait, même avec un régime avantageux, il apparaît douteux que les sociétés viennent ici pour autre chose que quelques travaux de délimitation de réserves gazières pour l'avenir et la conservation de leurs droits sur les territoires.
Pendant quelques années encore, il sera en effet plus avantageux pour elles de continuer à exploiter des territoires gaziers comme Marcellus, Fayetteville, Montney ou Haynesville où les coûts sont moins élevés. La situation n'est pas du tout comparable à celle du pétrole. Dans le secteur pétrolier, l'offre et la demande sont en équilibre (en fait, on craint même pour l'offre…) et les prix permettent de faire de l'argent. Il y a dans le gaz, trop de producteurs.
C'est pour cela qu'on dit que le gouvernement ne décrétera pas de moratoire, mais qu'il y aura moratoire. Il sera simplement économique.