Grand bien lui fasse, pensez-vous peut-être. Le hic? C'est que ce calcul est mauvais, car tordu. D'une part, parce que rien ne dit que ce stratagème sera payant. D'autre part, parce qu'à vouloir trop bien faire, le carriériste s'y prend mal : il veut briller à tout prix, dans tout ce qu'il fait, et confond finalement "sacrifice" et "don de soi". Pour bien saisir cela, prenons le cas d'une personne qui se lance corps et âme dans l'humanitaire, mais par calcul carriériste. Pour elle, le temps consacré à cette cause est un investissement, un pari sur l'avenir, plus précisément sur son avenir. Et elle n'a alors rien compris à l'humanitaire, car il est alors plutôt question de donner son temps à autrui, sans chercher à en tirer le moindre profit. Faire de l'humanitaire de cette façon, c'est comme si l'on n'en faisait pas du tout.
Et ça transparaîtra toujours, tôt ou tard. C'est sûr. Un jour ou l'autre, au cours d'une discussion, ou lors d'un entretien poussé, les autres verront que son implication dans la cause humanitaire n'était pas si forte que ça. Et si cette personne est maladroite, elle finira par se trahir elle-même. Le coup lui sera fatal. Du moins, pour sa carrière. En effet, quelle confiance accorderiez-vous à une personne dont vous découvrez que tout ce qu'elle entreprend est dans le seul but d'en dégager un profit personnel, purement personnel? Hein?
Mieux vaut par conséquent ne pas être carriériste. Oui, mieux vaut n'être pas trop obsédé par l'évolution de sa carrière, et se dégager l'esprit pour des pensées plus enrichissantes et moins obsédantes. Sinon, on va droit à l'accident professionnel, notamment en raison de calculs erronés sur la meilleure trajectoire à adopter…
En passant, l'écrivain français Erik Orsenna a confié, un jour, au magazine Lire : «La vie est la seule carrière qui m'intéresse».