De -57 à -53, Jules César a défié les peuples gaulois les uns après les autres, et les a tous défaits, grâce surtout à la supériorité tactique des Romains (ces derniers attaquaient par cohortes bien coordonnées, alors que les Gaulois se mettaient épaule-contre-épaule sur une rangée et se battaient sans aucune coordination). Il a ainsi conquis des territoires jusqu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, ce qui n’avait jamais été réalisé jusque-là par un Romain.
Enfin, en -52, des peuples gaulois ont fini par s’unir pour se soulever contre l’occupant, car les promesses de partage des butins n’ont pas été respectées par les Romains. Vercingétorix a pris la tête du soulèvement, mais a dû se constituer prisonnier après la défaite d’Alesia. Alors a pu débuter la colonisation de la Gaule, une opération entreprise par Jules César qui reposait sur deux piliers : l’implication des Gaulois et leur transformation progressive…
Ainsi, Rome a confié l’administration du pays aux chefs gaulois qui lui étaient restés fidèles – ceux qui s’étaient soulevés contre l’Empire avec Vercingétorix avaient été exterminés et leurs biens confisqués. Et elle s’est attirée leurs bonnes grâces en leur accordant la citoyenneté romaine, sachant que devenir citoyen romain signifiait, entre autres, ne pas payer d’impôts, ou encore avoir le droit de faire du commerce à l’étranger et de se déplacer librement dans l’Empire. Quant au reste de la population, ils devaient se contenter de droits réduits.
Rome a obtenu, de la sorte, des édiles gaulois qu’ils se fassent les représentants volontaires et enthousiastes de sa politique. Elle a instauré en Gaule un pouvoir que nul ou presque n’a contesté, chacun passant le plus clair de son temps à essayer de prendre un morceau du gâteau. Ce fut la célèbre pax romana dans toute sa splendeur, à savoir une mécanique colonisatrice «perverse et impeccable, séduisante et insidieuse», selon Christian Goudineau, ancien titulaire de la chaire d’antiquités nationales du Collège de France.
«Ce pouvoir restait lointain. En l’espace de quelques années, toute l’aristocratie gauloise s’est mise à parler latin, à ne plus faire construire que des monuments à la romaine, tandis que toutes les tombes se couvraient d’inscriptions latines», poursuit le chercheur français.
Les édiles gaulois étant impliqués dans le projet, Jules César a pu entamer la transformation en profondeur des mentalités et du quotidien de toute la population. Il n’a alors pas lésiné sur les moyens. Par exemple, il a chamboulé la paysage urbain du pays, en rendant désuètes certaines villes (en faisant passer les grandes voies romaines pavées loin d’elles) et en en créant d’autres ex nihilo, comme Autun chez les Éduens. Et il les a modernisées (marchés, amphithéâtres, thermes,…). «Les villes étaient en théorie autonomes, sauf pour la politique étrangère, la monnaie et les impôts. Le génie de Rome a été, outre le fait d’obliger les notables gaulois à posséder une maison en ville, de mettre les cités en concurrence. Chacune, pour traduire son allégeance à Rome, a cherché à se parer des plus beaux monuments et des équipements les plus modernes», explique Jean-Luc Fiches, chercheur au laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes.