BLOGUE. Vous voilà à la tête d’une nouvelle équipe, et – ô horreur! – vous réalisez qu’elle n’est vraiment pas à la hauteur de vos espoirs. Que faire? Fuir en courant? Vous savez bien que c’est impossible. Alors? J’ai une solution pour vous, une solution qui a déjà fait ses preuves : colonisez-la!
Découvrez mes précédents posts
Et d'autres articles management sur Facebook
«Wow! vont s’exclamer certains. L’utilisation de la force, très peu pour moi, c’est pas mon style!» À ceux-là, je tiens à dire qu’il ne s’agit pas du tout de ça. Au contraire, une colonisation réussie est celle qui se déroule en douceur. Je le sais depuis que j’ai lu un excellent dossier sur les Gaulois dans le Journal du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Oui, vous savez, nos fameux ancêtres les Gaulois… Ce dossier présente les dernières trouvailles des chercheurs français sur cette période de l’Histoire de France, en mettant l’accent sur la colonisation romaine, qui a été un tel succès que les Gaulois sont devenus en un clin d’œil des Gallo-Romains. Il y est expliqué par le menu comment Jules César, après la Guerre des Gaules, est parvenu à inculquer les valeurs de l’Empire à tout un peuple récalcitrant.
Un peu d’Histoire, pour commencer… La conquête de la Gaule s’est déroulée en trois temps. En -58 avant J.C., les Helvètes, un peuple gaulois installé en Suisse, a décidé – pour une raison inconnue – de migrer vers d’autres terres. Mais cela les obligeait à traverser les territoires d’autres peuples gaulois, dont celui des Éduens qui, se sentant menacé, a demandé l’assistance de César et ses troupes, qui étaient à proximité, en Gaule cisalpine. Le chef romain, à la recherche de butins faciles à prendre, a sauté sur l’occasion, écrasé les Helvètes et poursuivi les conquêtes sur sa lancée.
De -57 à -53, Jules César a défié les peuples gaulois les uns après les autres, et les a tous défaits, grâce surtout à la supériorité tactique des Romains (ces derniers attaquaient par cohortes bien coordonnées, alors que les Gaulois se mettaient épaule-contre-épaule sur une rangée et se battaient sans aucune coordination). Il a ainsi conquis des territoires jusqu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, ce qui n’avait jamais été réalisé jusque-là par un Romain.
Enfin, en -52, des peuples gaulois ont fini par s’unir pour se soulever contre l’occupant, car les promesses de partage des butins n’ont pas été respectées par les Romains. Vercingétorix a pris la tête du soulèvement, mais a dû se constituer prisonnier après la défaite d’Alesia. Alors a pu débuter la colonisation de la Gaule, une opération entreprise par Jules César qui reposait sur deux piliers : l’implication des Gaulois et leur transformation progressive…
Ainsi, Rome a confié l’administration du pays aux chefs gaulois qui lui étaient restés fidèles – ceux qui s’étaient soulevés contre l’Empire avec Vercingétorix avaient été exterminés et leurs biens confisqués. Et elle s’est attirée leurs bonnes grâces en leur accordant la citoyenneté romaine, sachant que devenir citoyen romain signifiait, entre autres, ne pas payer d’impôts, ou encore avoir le droit de faire du commerce à l’étranger et de se déplacer librement dans l’Empire. Quant au reste de la population, ils devaient se contenter de droits réduits.
Rome a obtenu, de la sorte, des édiles gaulois qu’ils se fassent les représentants volontaires et enthousiastes de sa politique. Elle a instauré en Gaule un pouvoir que nul ou presque n’a contesté, chacun passant le plus clair de son temps à essayer de prendre un morceau du gâteau. Ce fut la célèbre pax romana dans toute sa splendeur, à savoir une mécanique colonisatrice «perverse et impeccable, séduisante et insidieuse», selon Christian Goudineau, ancien titulaire de la chaire d’antiquités nationales du Collège de France.
«Ce pouvoir restait lointain. En l’espace de quelques années, toute l’aristocratie gauloise s’est mise à parler latin, à ne plus faire construire que des monuments à la romaine, tandis que toutes les tombes se couvraient d’inscriptions latines», poursuit le chercheur français.
Les édiles gaulois étant impliqués dans le projet, Jules César a pu entamer la transformation en profondeur des mentalités et du quotidien de toute la population. Il n’a alors pas lésiné sur les moyens. Par exemple, il a chamboulé la paysage urbain du pays, en rendant désuètes certaines villes (en faisant passer les grandes voies romaines pavées loin d’elles) et en en créant d’autres ex nihilo, comme Autun chez les Éduens. Et il les a modernisées (marchés, amphithéâtres, thermes,…). «Les villes étaient en théorie autonomes, sauf pour la politique étrangère, la monnaie et les impôts. Le génie de Rome a été, outre le fait d’obliger les notables gaulois à posséder une maison en ville, de mettre les cités en concurrence. Chacune, pour traduire son allégeance à Rome, a cherché à se parer des plus beaux monuments et des équipements les plus modernes», explique Jean-Luc Fiches, chercheur au laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes.
Ce faisant, les Romains ont partagé nombre de leurs savoirs avec les Gaulois. Les exemples sont foison : leurs techniques de maçonnerie (le mortier de chaux,…), de décor architectural (moulures, frises,…), de mosaïque, de céramique, d’agriculture (vin,…), etc. Idem, avec la culture de l’Empire : les Romains ont introduit une autre culture de la table (huile d’olive, épices,…), ou encore des œuvres littéraires et musicales latines et grecques.
«Dans tous les domaines, insensiblement mais irrémédiablement, une civilisation originale est née. La conquête de la Gaule apparaît comme l’une des mieux menées de l’histoire de la colonisation romaine. Une acculturation d’autant plus réussie que les sociétés gauloises étaient proches, dans leur développement, du monde latin», résume le journaliste Philippe Testard-Vaillant dans ce dossier du Journal du CNRS.
On le voit bien, Jules César a réussi à transformer les Gaulois en Gallo-Romains en procédant en 5 étapes successives :
- S’imposer à tous comme le chef incontesté;
- Impliquer dans son projet les «leaders naturels» du groupe et les motiver en leur proposant des récompenses conséquentes en cas de réussite;
- Laisser les coudées franches à ces «leaders naturels» pour mener à bien les différentes opérations envisagées, tout en supervisant «de loin», l’air de rien;
- Offrir tous les moyens les plus modernes possibles aux membres de l’équipe pour leur permettre d’une part d’atteindre ensemble les buts visés, et d’autre part d’évoluer sur le plan professionnel;
- Récompenser chacun à sa juste mesure, une fois le projet couronné de succès.
Cinq étapes que vous pouvez très bien reproduire au bureau pour mener à bon port la nouvelle équipe – et le projet – dont vous avez la responsabilité. Pas vrai?
Découvrez mes précédents posts