Ces questions, je me les suis longtemps posées. Sans trop m'y attarder, c'est vrai, car elles me semblaient a priori oiseuses. Et voilà que je suis tombé sur un article d'Actualités UQÀM traitant de ce sujet! L'accent y était mis sur Lucile Rapin, chercheuse postdoctorante, linguistique, de l'Université du Québec à Montréal, car elle avait collaboré à une étude intitulée What is that little voice inside my head? Inner speech phenomenology, its role in cognitive performance, and its relation to self-monitoring.
Cette étude était également signée par trois professeures de neuroscience cognitive à l'Université Pierre-Mendès-France (France) – Marcela Perrone-Bertolotti, Monica Baciu et Hélène Loevenbruck – ainsi que par Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherches en neuroscience à l'Inserm (France). Elle consistait à faire la synthèse d'une cinquantaine d'années de recherche sur le phénomène de la parole intérieure. Et ce qu'il en est ressorti est fabuleux…
L'un des passages de l'étude – le plus passionnant à mes yeux – porte spécifiquement sur l'influence de la voix intérieure sur la performance cognitive de chacun de nous. Voici ce qu'il y est explicité :
> La parole intérieure nous aide à passer d'une tâche à l'autre. En 2003, les chercheurs Michael Emerson et Akira Miyake ont découvert que la petite voix à l'intérieur de notre tête nous permettait de bien nous représenter mentalement la tâche à venir, et donc à mieux faire la transition entre la tâche actuelle à la suivante. Car, si on l'empêche d'intervenir (cela est possible expérimentalement, en la "parasitant" comme l'on peut parasiter un son), passer d'une tâche à une autre entraîne pour nous un effort intellectuel considérable. Ce qui nuit directement à notre performance cognitive.
> La parole intérieure nous aide à résoudre des problèmes. En 2006, les chercheurs Christian Olivers et Sander Nieuwenhuis ont noté que, grâce à la petite voix à l'intérieur de notre tête, nous faisons plus attention à ce qui se passe autour de nous. Et ce, y compris lorsqu'elle intervient de manière involontaire : nous sommes plus efficaces lorsque nous rêvassons en accomplissant une tâche routinière (par exemple, quand on pense à nos vacances tout en agrafant les photocopies d'un rapport) que lorsque nous sommes juste concentrés sur cette tâche-là, sans penser à quoi que ce soit d'autre! Et en 2010, le chercheur Bernard Baars est allé un peu plus loin, en mettant au jour le fait que cette petite voix-là, même lorsqu'elle est involontaire, nous permet de mieux nous adapter au changement, aussi infime soit-il. Ce qui est primordial pour résoudre un problème, ou encore pour apprendre quelque chose.