Ouch! dans les gencives. Garry Kasparov a ensuite repris en clamant, sous un tonnerre d'applaudissements : «Think big! Pensez grand! Prenez de vrais risques!»
Bon. Vous me direz que c'est facile à dire, surtout en face d'une audience enflammée. Mais de là à passer à l'action, le moment venu, il y a un pas. Un pas effrayant. Et je vous aurais donné raison si je n'avais justement discuté de tout cela avec Garry Kasparov en personne, le jour où j'ai eu la chance incroyable de l'interviewer, il y a de cela quelques années. Il m'avait alors confié qu'il avait concocté sa propre méthode pour prendre des risques, de grands risques, lorsqu'il sentait que la partie qu'il jouait était rendue à un tournant crucial. Cette méthode, il l'avait dénommée MTQ, pour Mouvement, Temps et Qualité. La voici résumée pour vous :
1. Mouvement
La première tâche d'un joueur d'échecs est d'évaluer sa situation, puis celle de son adversaire. De cela découlera le meilleur coup à jouer, à ses yeux.
Comment s'y prend-il concrètement? Pour commencer, il compte ses pièces et celles de son adversaire pour savoir si l'un des joueurs détient un avantage matériel. Même chose au travail : un manager se doit de faire l'inventaire de ses forces pour mener à bien le projet dont il a la charge (personnel, budget, etc.).
2. Temps
Puis, le joueur regarde le temps dont il dispose. Cela lui permet de savoir s'il y a objectivement urgence, ou pas. Bien entendu, c'est la même chose au travail.
3. Qualité
Enfin, le joueur estime la qualité de sa situation. C'est-à-dire qu'il évalue rapidement la position de l'ensemble de ses pièces par rapport à celle de son adversaire.
Par exemple, un joueur peut très bien avoir moins de pièces que son adversaire, mais elles peuvent avoir une disposition si avantageuse qu'il peut espérer gagner rapidement. «Dans un combat, une force plus légère et plus rapide peut déjouer et surpasser une force supérieure en nombre», m'avait souligné Garry Kasparov.
En tenant compte du M, du T et du Q, on sait donc si l'on est en bonne ou mauvaise posture. Mais cela ne suffit pas. Car après l'évaluation, il convient de trouver la meilleure façon d'agir.