Chacun était isolé dans un cubicule, mais savait que la personne avec laquelle il jouait n'était pas loin. Pour certains, c'était quelqu'un en qui il avait une grande confiance, et pour d'autres, quelqu'un qui ne figurait pas dans le cercle restreint des personnes en qui il avait une grande confiance. Il fallait dès lors miser le nombre de jetons de son choix, sachant que l'ensemble des jetons misés et les gains en découlant (les organisateurs ajoutaient moitié plus de jetons) seraient équitablement répartis entre les deux joueurs. Et ce, à trois reprises.
On le voit bien, ce jeu était on ne peut plus stratégique : chacun avait a priori intérêt à miser peu, en espérant que l'autre mise beaucoup, histoire d'empocher une grosse somme, en tous cas supérieure à celle gagnée par l'autre. Mais si chacun agissait de la sorte, les gains allaient forcément être minimes, voire nuls, pour tous les deux. En conséquence, l'idéal était que la confiance règne et que chacun mise gros, si bien que chacun puisse emporter un gain maximal…
Alors? Que s'est-il passé? Cette expérience a permis aux deux chercheurs de découvrir une chose formidable :
> L'atout de la mutualité. Plus les joueurs avaient confiance en eux avant le jeu, plus ils se sont montrés collaboratifs au moment de jouer. Inversement, plus ténu était le lien de confiance entre eux, plus ils avaient tendance à jouer stratégiquement, c'est-à-dire à ne pas coopérer ensemble.
Pourquoi? «Ceux qui ont le plus collaboré entre eux ont agi en fonction d'un principe, celui de la mutualité. C'est-à-dire que chacun avait à cœur d'agir pour le bien de l'autre, à plus forte raison lorsqu'il était convaincu que l'autre pensait de la même façon. Les deux cherchaient donc avant tout le bien mutuel», indiquent les deux chercheurs dans leur étude. Et de souligner : «Plus ceux-ci jouaient, plus la mutualité jouait elle aussi. Y compris au troisième et dernier tour de jeu, où la logique poussait pourtant à jouer stratégiquement pour "gagner" la partie».