> Truc numéro 2 : le logos
En 2005, Apple laisse tomber IBM pour céder aux charmes d'Intel. Le journaliste de CNBC se frotte les mains d'une telle histoire, et en profite pour tenter de faire reconnaître à Steve Jobs que «les affaires, c'est la guerre». Il entend ainsi casser l'image du PDG d'Apple, à qui tout semble sourire sans avoir besoin de marcher sur les pieds des autres.
Que fait alors Steve Jobs? Il reste calme. Il n'embarque pas dans le petit jeu du journaliste. Il prend un ton professoral et explique posément que voir les affaires comme une guerre ne peut mener à rien de bon. Et il sort une formule choc : «Les affaires, c'est partir à l'aventure». Et voilà le journaliste mouché!
«Steve Jobs réussit là à faire passer le message que ce changement de partenariat était naturel, qu'il était dans l'ordre des choses tant pour Apple que pour Intel. Et que la rupture avec IBM allait se faire tout en douceur, à l'amiable : Apple, disait-il, allait continuer dans les années à venir à faire appel à certains services d'IBM, certes moins nombreux mais plus pointus», disent les deux chercheurs dans leur étude.
Autrement dit, le PDG de la firme de Cupertino s'est ici servi du logos. À savoir la corde sensible de la raison, qui vibre dès qu'on lui présente une argumentation solide ou une démonstration impeccable.
> Truc numéro 3 : l'ethos
En 2010, Apple lance le tout premier iPad. Cette annonce est un véritable coup de tonnerre! Une révolution annoncée pour l'ensemble du secteur technologique, comme pour les habitudes des consommateurs. Du coup, le journaliste du Wall Street Journal saute sur l'occasion pour demander à Steve Jobs à quoi rime le fait de multiplier les innovations fracassantes : les consommateurs ne risquent-ils pas, un beau jour, de lâcher, n'arrivant plus à suivre le rythme des évolutions technologiques? De surcroît, cela n'entraîne-t-il pas l'abandon des inventions précédentes, à grand coût pour Apple elle-même?
On le voit bien, à la moindre erreur, Steve Jobs est cuit. C'est pourquoi il choisit de s'exprimer avec des mots très simples, à voix basse et lentement. Le plus simplement du monde, il recourt à une métaphore, celle du cycle de la vie.
«Notre succès repose sur le fait que nous choisissons toujours le cheval à enfourcher avec un soin extrême. Ce choix est avant tout technologique. Nous regardons l'avenir potentiel de chaque avancée potentielle, nous imaginons ce que cela pourrait donner dans les années à venir, vous savez. Il faut comprendre. La technologie, ça fonctionne en cycle, en quelque sorte. Chaque innovation a son printemps, son été, son automne et, vous savez, eh bien, il y a aussi son hiver, ce moment où elle doit se rendre à la tombe. C'est pourquoi nous visons toujours les avancées technologiques qui en sont à leur printemps», dit-il, entre autres.
Steve Jobs indique également qu'Apple se doit de respecter le cycle de la vie des technologies, et donc accepter la mort de certaines inventions, si elle veut elle-même vivre le plus longtemps possible. Et il va jusqu'à dire que chaque lancement de nouveau produit est, pour Apple, «une renaissance».
Bref, il n'utilise pas ici le pathos, ni le logos, mais l'ethos. C'est-à-dire la corde sensible de l'imagination, qui vibre dès qu'on lui soumet une image simple, forte et personnelle. Celle qui, à notre insu, nous fait accorder du crédit à la personne qui s'adresse à nous, quel que soit le fond de son message et notre opinion sur celui-ci.