«Dans le cadre plus feutré du Palais Bourbon, l’orateur Jaurès est tout aussi redoutable. Le mardi 17 juin 1913, il prend officiellement la parole pour un discours magistral, grand moment d’éloquence parlementaire. Loin de s’opposer frontalement, Jaurès propose des alternatives plus efficaces «à tous les points de vue, au point de vue financier, au point de vue militaire, au point de vue social».
«Il cite Machiavel : «L’histoire se rit des prophètes désarmés.» Et le voilà qui se retrouve partisan d’un réarmement. En effet, si Jaurès ne défend qu’un seul objectif : «la paix définitive», il reconnaît qu’il faut «accroître la puissance défensive de la France».
«Comment? «Par l’éducation de la jeunesse, par l’organisation des réserves, par l’armement du peuple sur place, par le perfectionnement de tous les moyens techniques de mobilisation et de concentration.» Le problème n’est pas le nombre de soldats, mais la logistique.
«Jaurès formule devant ses collègues députés les idées présentées dans son livre L’Armée nouvelle sorti deux ans plus tôt :
• réduire la durée du service militaire mais augmenter le nombre de réservistes ;
• organiser des milices citoyennes à l’instar de la Suisse ;
• armer les citoyens pour défendre leur territoire.
«Après un mois et demi de débats, le projet de loi est voté le 19 juillet 1913 à 23h par 358 voix contre 204. Le Sénat ne fera guère d’opposition et le texte sera adopté.»
(…)
«Jaurès est un intellectuel de haut niveau, brillant, imprégné de philosophie, ayant nourri sa culture aux sources des auteurs latins qui restent pour lui une référence dans la construction de la pensée. Il ambitionne de positionner l’être au cœur de tout questionnement, notamment autour de la question centrale de l’avenir de l’Humanité.
«Intellectuel, journaliste, entre réflexion et action, il s’ouvre au monde et tire profit de toutes les expériences, capitalisant sur ses succès mais également sur ses échecs. Il devient un véritable animal politique, privilégiant l’action en cohérence avec la pensée. Pour lui, il n’y a pas au fond d’opposition entre l’intuition et la raison.
(…)
«Jaurès incarne autant la pensée que l’action, autant la réflexion que la transmission. Il a eu la volonté d’agir, de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense lui réservait cet engagement. Jaurès incarne ainsi un leadership de la mobilité et du renouvellement.»