Difficile à rentabiliser
Chez Mediagrif, qui exploite notamment le site de rencontres Réseau Contact et le site de petites annonces LesPAC, la gratuité n’est pas à l’ordre du jour. « Si on a décidé de s’en tenir au modèle payant, c’est parce que c’en est un qui est sain et qui nous permet d’assurer la pérennité de nos opérations, soutient Suzanne Moquin, vice-présidente de solutions consommateurs chez Mediagrif. Le modèle gratuit, pour nous, c’était quelque chose qui était déficitaire et se financer par la publicité, c’est peut-être possible pour les joueurs internationaux, mais ce n’est pas une sinécure. »
Bien que le site soit en concurrence avec des joueurs offrant une alternative gratuite comme Kijiji et Craigslist, le trafic de LesPAC serait stable. Tout comme serait celui de Réseau Contact, qui se retrouve de facto en concurrence avec des sites gratuits comme POF et OkCupid. « La gratuité n’est pas la bonne orientation pour Réseau Contact, soutient Suzanne Moquin. Nous misons plutôt sur l’amélioration du service ; par exemple, notre service à la clientèle valide chacune des fiches des nouveaux membres. »
Guestful, pour sa part, a vite constaté que déloger OpenTable serait plus difficile que prévu. La start-up montréalaise continue à offrir son service de réservation en ligne gratuitement, mais elle offre de nouveaux services, comme le pré-paiement, pour se démarquer d’OpenTable et générer des revenus : « Le défi, dans notre créneau, c’était celui d’atteindre une taille suffisante pour être capable de vivre en convertissant seulement une fraction de nos utilisateurs à une offre payante. » Or, contrairement à OpenTable, qui emploie des vendeurs locaux dans les villes où elle est présente, Guestful ne peut pas se permettre d’investir autant dans l’acquisition d’un restaurant.
Malgré les défis posés par la gratuité, la stratégie est d’une efficacité redoutable lorsqu’elle est appliquée par un acteur aux poches profondes. Jean-David Bégin, d’ailleurs, continue à croire que le modèle commercial d’OpenTable est condamné, mais estime que ce sont d’autres acteurs, comme les fournisseurs de système de points de vente, qui réussiront à imposer leur solution gratuite.
Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal, croit lui aussi qu’il est difficile d’échapper la gratuité dans les marchés qui s’y prêtent. Selon lui, le meilleur moyen d’éviter d’être victime de la gratuité serait de l’embrasser: « La meilleure défense, dans la vie, c’est l’attaque, mais ça prend des nerfs, et ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui en ont assez pour investir dans quelque chose au risque de se cannibaliser eux-mêmes », conclut-il.