Là où ça devient plus préoccupant
Bonne décision du gouvernement donc.
Là où ça devient plus préoccupant, c'est que, si, comme cela se dessine, le diesel demeure plus rentable que l'hydroélectricité, on peut se demander à qui Hydro-Québec pourra bien vendre l'électricité des 47 G $ de projets qu'elle a pour le Plan Nord.
Sur ce volet, on a longuement discuté.
M. Charest a d'abord parlé du marché des exportations, particulièrement vers les États-Unis.
Guère convaincant, même sur 20 ans. Le gaz de schiste a fait plonger les prix de l'électricité, et le dernier contrat qu'Hydro-Québec a signé avec le Vermont démarre à 5,8 cents le kWh, nettement sous les 8,5 cents de la Romaine (transport compris).
Qu'à cela ne tienne, il y aura bientôt une taxe sur le carbone qui rendra l'énergie hydroélectrique du Québec plus attrayante pour les entreprises, rétorque le premier ministre. Façon de dire que le prix de l'électricité plus propre explosera et que l'on n'aura pas de difficulté à écouler de l'électrictié produite à plus haut coût.
Qui plus est, et ce fut une assez grande surprise pour nous, le gouvernement dit actuellement étudier de cinq à dix projets de deuxième et troisième transformations pour le secteur minier. D'importants blocs d'énergies pourraient par conséquent être accordés, ce qui viendra stimuler la demande en énergie.
Que penser des deux derniers arguments?
Concernant la taxe carbone, M. Charest a peut-être un point. C'est assez mal barré pour l'instant, avec les États-Unis qui refusent d'adhérer à Kyoto et le gouvernement canadien qui fait de même. Mais le pari peut être bon. De toute façon, il sera toujours temps d'ajuster l'échéancier de construction des nouveaux barrages. On peut attendre et voir.
Sur les blocs d'énergie, attention, danger. Le pari est non seulement aléatoire, mais dangereux. Et on ne devrait pas aller trop vite en affaires. Ces blocs sont malheureusement toujours livrés à des prix très avantageux, comme ceux du tarif L (qui sont sous le prix coûtant de l'énergie des nouveaux barrages).
M. Charest nous a personnellement un peu surpris en laissant entendre qu'il ne fallait pas mettre le prix de vente des blocs (3 cents) en relation avec le coût des derniers barrages (7 cents) pour calculer leur rentabilité, mais plutôt le lier au coût moyen de l'ensemble du parc d'Hydro-Québec (2,15 cents).
C'est une façon de voir que nous n'aimons guère. Le repère de 2,15 cents, n'est faible que grâce à Churchill Falls, de l'énergie qui ne nous appartient pas et qu'on perdra en 2041. Le Québec aura à ce moment bien de la difficulté à maintenir ces industries de transformation, et des emplois risquent de tomber massivement si une taxe sur le carbone n'a pas été mondialement implantée.
Prudence et mesure à l'égard de l'électricité et des mégaprojets de transformation. Parce que le projet d'une génération pourrait aussi être un piège pour celle-ci.
Retrouvez l'ensemble de l'entrevue avec Jean Charest dans l'édition de Les Affaires du 18 février.