BLOGUE. C'est avec une certaine ambivalence que l'on est ressorti, il y a quelques jours, d'un entretien avec le premier ministre Jean Charest. Bonne nouvelle, le cadre de l'intervention de l'État se précise à l'égard du Plan Nord et devient plus clair. Mauvaise nouvelle, on n'est toujours pas tout à fait sûr que l'État fera une bonne affaire, hydroélectrique du moins, avec ce projet.
En entretien avec ma collègue Suzanne Dansereau et le rédacteur en chef Stéphane Paquet, M. Charest a été clair : Hydro-Québec devra faire de l'argent avec les différents projets électriques.
Si une société minière veut une ligne de transmission pour son projet, ce sera à elle d'en assumer les coûts. Pas question non plus de lui vendre l'électricité à rabais, au tarif L (3 cents le kilowattheure).
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Le gouvernement ne contribuera que si le «bien commun» est au rendez-vous. Dans le cas par exemple où une ligne permettrait du même coup l'électrification d'une communauté isolée.
Tous ne seront pas heureux
La nouvelle ne devrait pas être reçue avec grand enthousiasme par la communauté minière.
Stornoway, par exemple, qui est à développer une mine de diamant aux monts Otish, étudie actuellement la possibilité de construire une ligne électrique qui partirait de Laforge. Elle était prête à payer de sa poche l'infrastructure, mais espérait jusqu'à maintenant que le gouvernement accepterait de lui vendre l'électricité au tarif L.
Même si elle n'annonce pas nécessairement la mort du projet électrique (un tarif avantageux peut peut-être toujours être consenti), la déclaration de M. Charest vient significativement d'accroître la probabilité que l'on doive continuer de fonctionner avec des génératrices au diesel.
La position du gouvernement est la bonne. Il ne peut être demandé à Hydro-Québec, qui produit à un coût d'environ 7 cents le kWh à la Romaine (transport exclu), de vendre son électricité à un prix de 3 cents (tarif L en excluant le transport). C'est une chose de vendre sans marge, c'en est une toute autre de vendre à très forte perte.
Là où ça devient plus préoccupant
Bonne décision du gouvernement donc.
Là où ça devient plus préoccupant, c'est que, si, comme cela se dessine, le diesel demeure plus rentable que l'hydroélectricité, on peut se demander à qui Hydro-Québec pourra bien vendre l'électricité des 47 G $ de projets qu'elle a pour le Plan Nord.
Là où ça devient plus préoccupant
Bonne décision du gouvernement donc.
Là où ça devient plus préoccupant, c'est que, si, comme cela se dessine, le diesel demeure plus rentable que l'hydroélectricité, on peut se demander à qui Hydro-Québec pourra bien vendre l'électricité des 47 G $ de projets qu'elle a pour le Plan Nord.
Sur ce volet, on a longuement discuté.
M. Charest a d'abord parlé du marché des exportations, particulièrement vers les États-Unis.
Guère convaincant, même sur 20 ans. Le gaz de schiste a fait plonger les prix de l'électricité, et le dernier contrat qu'Hydro-Québec a signé avec le Vermont démarre à 5,8 cents le kWh, nettement sous les 8,5 cents de la Romaine (transport compris).
Qu'à cela ne tienne, il y aura bientôt une taxe sur le carbone qui rendra l'énergie hydroélectrique du Québec plus attrayante pour les entreprises, rétorque le premier ministre. Façon de dire que le prix de l'électricité plus propre explosera et que l'on n'aura pas de difficulté à écouler de l'électrictié produite à plus haut coût.
Qui plus est, et ce fut une assez grande surprise pour nous, le gouvernement dit actuellement étudier de cinq à dix projets de deuxième et troisième transformations pour le secteur minier. D'importants blocs d'énergies pourraient par conséquent être accordés, ce qui viendra stimuler la demande en énergie.
Que penser des deux derniers arguments?
Concernant la taxe carbone, M. Charest a peut-être un point. C'est assez mal barré pour l'instant, avec les États-Unis qui refusent d'adhérer à Kyoto et le gouvernement canadien qui fait de même. Mais le pari peut être bon. De toute façon, il sera toujours temps d'ajuster l'échéancier de construction des nouveaux barrages. On peut attendre et voir.
Sur les blocs d'énergie, attention, danger. Le pari est non seulement aléatoire, mais dangereux. Et on ne devrait pas aller trop vite en affaires. Ces blocs sont malheureusement toujours livrés à des prix très avantageux, comme ceux du tarif L (qui sont sous le prix coûtant de l'énergie des nouveaux barrages).
M. Charest nous a personnellement un peu surpris en laissant entendre qu'il ne fallait pas mettre le prix de vente des blocs (3 cents) en relation avec le coût des derniers barrages (7 cents) pour calculer leur rentabilité, mais plutôt le lier au coût moyen de l'ensemble du parc d'Hydro-Québec (2,15 cents).
C'est une façon de voir que nous n'aimons guère. Le repère de 2,15 cents, n'est faible que grâce à Churchill Falls, de l'énergie qui ne nous appartient pas et qu'on perdra en 2041. Le Québec aura à ce moment bien de la difficulté à maintenir ces industries de transformation, et des emplois risquent de tomber massivement si une taxe sur le carbone n'a pas été mondialement implantée.
Prudence et mesure à l'égard de l'électricité et des mégaprojets de transformation. Parce que le projet d'une génération pourrait aussi être un piège pour celle-ci.
Retrouvez l'ensemble de l'entrevue avec Jean Charest dans l'édition de Les Affaires du 18 février.