C'est une très importante décision qu'a pris mardi le gouvernement. En décrétant une évaluation environnementale stratégique, le Québec apparaît sur le point de s'engager dans l'élaboration d'un tout nouveau modèle d'exploitation des gaz de schiste. L'adoption ou non de ce modèle par le reste de l'Amérique pourrait bien être déterminante pour l'avenir du projet.
On a passé une bonne partie de la journée à lire le rapport du BAPE, un volumineux document de plus de 300 pages. S'y trouvent, nombre d'informations intéressantes.
Ce qu'on en retient?
Que bien du travail reste encore à faire pour déterminer avec plus de certitude l'impact environnemental qu'entraîne l'exploitation des gaz de schiste au Québec, mais aussi en Amérique du nord.
Le BAPE déplore par exemple que les additifs chimiques ajoutés à l'eau lors des opérations de forage soient toujours tenus secrets. Certains pourraient être cancérigènes. Il note qu'ils sont susceptibles de ressortir avec des reflux d'eau et de ne pas être totalement récupérés.
L'organisme n'est pas très sûr non plus que le creusage des puits et leur isolement est bien fait, que la fracturation est sans conséquence, que les eaux contaminées qui demeureront dans le schisme à long terme seront sans effet.
Bref, des études plus poussées devront être menées. On peut probablement sans trop de danger s'avancer pour dire que des correctifs seront nécessaires, ce qui veut aussi dire des coûts supplémentaires.
Les autres suivront-ils?
Déjà le Québec souffrait d'un problème de ce côté. Le rapport le rappelle, il en coûte actuellement environ 10 M$ pour forer un puits au Québec, le double d'ailleurs en Amérique. La situation s'explique principalement par le fait que nous n'avons pas sur place ni les équipements, ni la main-d'œuvre spécialisés. Il nous faut pratiquement tout importer.
Les experts entendus lors des audiences du BAPE semblent croire que ce problème sera corrigé lorsque dans quelques années notre cadence d'exploitation permettra de maintenir ici de la machinerie et que l'on aura formé la main-d'œuvre.
Il faudra cependant pour cela deux conditions préalables.
D'abord que les entreprises décident de venir forer ici. Il faudra pour cela qu'elles renoncent en bonne partie à leur marge bénéficiaire puisqu'il leur en coûtera plus cher pendant un bon bout de temps. La plupart ont actuellement une mer de cibles dans l'Ouest et aux États-Unis, et, si ce n'est pour un certain nombre de forages leur permettant de maintenir leurs droits, on ne voit pas trop pourquoi elles viendraient au Québec diminuer leur rentabilité. D'autant que toutes ne sont pas en situation de "break even", alors que les prix du gaz demeurent à des niveaux relatifs historiquement bas.
Une bouée de sauvetage (la deuxième condition) serait que les prix du gaz naturel remontent significativement sur le marché, ce qui permettrait de mettre économiquement en exploitation les puits du Québec. Après tout, quelques pétrolières n'ayant pas sécurisé de territoire gazier pourraient peut-être être tentées par la filière Québec, même si elle est moins rentable. Malgré l'optimisme de certains quant à un redressement de prix, on ne voit cependant pas vraiment la chose se produire avant plusieurs années. Il y a tout simplement trop de gaz pouvant potentiellement être mis en production et pas d'OPEP pour influencer les prix à la hausse sur le continent.
Dans ce contexte, le Québec fait-il fausse route avec sa politique?