Les possibilités d'une île


Édition du 08 Juillet 2017

Les possibilités d'une île


Édition du 08 Juillet 2017

Pour plusieurs experts, le branding fort de ­Montréal réside dans la dimension culturelle, festive et créative de la ville.

Qu'il soit travaillé consciemment ou qu'il émerge naturellement, le branding d'une ville est bien réel. Et Montréal n'y échappe pas. Ville de fête, ville multiculturelle, technopole intelligente, l'identité de la métropole québécoise ne manque pas de facettes. Sauf que, pour être mémorable et frapper l'imaginaire, une marque doit aller au plus simple. Quel est le branding fort de Montréal ?

Le branding d'une ville n'est pas futile. Il s'agit d'un puissant outil de communication pour piquer l'intérêt des touristes, des talents et des investisseurs dans le but de les attirer. C'est aussi une façon d'assurer le bien-être des citadins en leur rappelant leur identité et en leur renvoyant une image claire de ce qu'ils sont.

Le fameux I Love New York, souvent écrit INY et lancé en 1977, est un excellent exemple de branding réussi, du moins visuellement, estime Florence Girod, chef de la stratégie chez Cossette. «Le coeur, tout le monde connaît, dit-elle. C'est simple et émotionnel. C'est du langage simplifié, un émoticone avant l'heure, un symbole emblématique qui résume la relation qu'ont les New-Yorkais avec leur ville. C'est redoutablement efficace.»

Toutefois, l'image de marque, c'est beaucoup plus qu'une signature visuelle, estime Pierre Nadeau, expert dans le domaine. «Le branding se transforme souvent en exercice d'art plastique. On dessine un logo, on change des couleurs, mais on ne se rend pas toujours à l'essence de la tâche», dit-il. Créer un branding, selon lui, c'est avant tout synthétiser une identité. C'est extraire l'ADN d'un ensemble et résumer ses valeurs, son histoire et les particularités qui le différencient. Montréal étant bien des choses pour bien des gens, il faut donc se demander ce qui fait d'elle un endroit différent.

Distinction par contraste

Une identité se construit souvent par contraste avec celle des autres. Pour construire l'image de marque d'une entreprise, il est ainsi toujours avisé de demander à ses clients comment ils la perçoivent. Dans le cas des villes nord-américaines, par exemple, Boston fait très américain, intellectuel, étudiant mais plutôt traditionnel. New York est la très grande ville vibrante. En comparaison, Montréal est plus relaxe. Ce sont donc souvent les autres, les étrangers, ayant un recul et une vision d'ensemble, qui sont les mieux placés pour rappeler à une ville son identité.

Et de l'extérieur, Montréal paraît... sécuritaire. C'est ce que remarque la présidente de Bang Marketing, Stéphanie Kennan. «C'est ce que j'entends. Ce n'est pas très glamour, mais ça reflète notre tolérance, notre diversité et notre capacité de bien vivre paisiblement dans la mosaïque multiculturelle qui nous caractérise», dit-elle.

Les festivités du 375e ont d'ailleurs reflété la diversité qui constitue le tissu social de Montréal. Qu'il y ait eu plusieurs événements et projets pour célébrer l'anniversaire de la ville donne l'impression d'une fête qui appartient à tout le monde, une fête à l'image des Montréalais. Une fête à célébrations multiples pour une ville à identités multiples.

Pour les Américains, Montréal est par ailleurs encore et depuis longtemps perçue comme le wild child canadien, avec son côté créatif et festif, latin et extraverti. La métropole est loin d'être simplement une ville d'affaires et de fonctionnaires.

La langue est bien sûr un autre aspect qui distingue Montréal des autres grandes villes nord-américaines. Du point de vue des États-Unis, Montréal est l'Europe sans le décalage horaire. Pour les Européens, Montréal n'a rien d'européen. C'est plutôt l'Amérique en français.

Partir de ce qui existe

Cette vision préexistante des gens de l'extérieur est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il est impossible de créer de toutes pièces l'image d'une ville, contrairement à celle d'une entreprise. Surtout aujourd'hui, à une époque où l'information circule vite et librement, s'inventer une identité est plus difficile que jamais. Si le Mexique fait son branding en vantant ses plages d'eau claire, mais que la mer est pleine d'algues, la Toile rapportera rapidement cette contradiction. Et si Montréal n'est pas romantique, aussi bien ne pas essayer d'en faire une ville de l'amour.

Le branding d'un territoire émerge donc un peu naturellement de son histoire, de sa géographie, de sa culture, de son climat. Ensuite, rien n'empêche d'extraire une dimension de son identité pour l'encadrer et l'accentuer.

Rachelle Claveau, présidente de Publicis Montréal, note d'ailleurs que l'expression de la marque d'une ville qui est mise en avant dans une communication doit être choisie consciencieusement en fonction des objectifs à atteindre : un branding attirant du point de vue touristique pourrait ne pas l'être du point de vue des investisseurs.

Ville ouverte

Quel est donc finalement la facette de la personnalité de Montréal qui est la plus significative et distinctive aux yeux des autres, cet élément qui résume son identité et ses activités ?

Florence Girod estime qu'il s'agit de la dimension culturelle, festive et créative de la ville, puisque c'est la facette que les autres ont l'occasion de voir le plus souvent grâce à la présence internationale des artistes, des chanteurs et autres créateurs montréalais. Ce côté artistique et ouvert d'esprit englobe selon elle également l'aspect inclusif de la ville.

Pierre Nadeau, lui, croit pouvoir distiller encore davantage l'identité de la métropole. Selon lui, Montréal, c'est la Nouvelle-France. Ou plutôt, dit-il, «la Nouvelle-France 2035, parce qu'il faut allier l'héritage à la modernité. Je ne veux pas faire dans la nostalgie ni ramener les chapeaux.»

Le gin Ungava et la microbrasserie Archibald sont, selon lui, des marques qui illustrent bien cette idée de «Nouvelle-France 2035» et qui tirent avantage d'un tel branding.

«On est prêt à payer davantage pour un saké s'il vient du Japon plutôt que de la Barbade, dit Pierre Nadeau. Avoir un branding qui est cohérent par rapport à son identité, à son héritage, c'est être plus pertinent pour son marché. Pareil pour la ville de Montréal : on gagne à honorer notre héritage.»

Selon lui, cette nouvelle Nouvelle-France résume le mieux les différentes facettes de la ville : l'architecture du Vieux-Montréal, inspirée des bâtiments européens ; le côté multiculturel et multilingue, symbolisé notamment par la cohabitation des francophones avec les autochtones et les anglophones ; et l'héritage latin, orienté vers la gastronomie, les arts et la culture.

Reste à trouver un logo.

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