Ne mettons pas trop vite la «réduflation» au pilori

Publié le 13/06/2024 à 14:13

Ne mettons pas trop vite la «réduflation» au pilori

Publié le 13/06/2024 à 14:13

Ce sont apparemment souvent les multinationales qui donnent le ton et qui amorcent ces changements de format, poussant les marques locales à suivre pour rester compétitives. (Photo: Neon Brands pour Unsplash)

EXPERTE INVITÉE. On parle beaucoup du terme «réduflation» – une contraction des mots «réduction» et «inflation» – depuis quelques années. La réduflation est souvent associée à une stratégie commerciale pour diminuer la taille ou la quantité des produits tout en maintenant leurs prix. Cela permettrait aux consommateurs de continuer à acheter leurs produits préférés à prix stables en période inflationniste et aux entreprises de compenser l’augmentation des coûts de production sans modifier les prix affichés.

 

Une adaptation nécessaire

J’étais curieuse d’en apprendre plus sur ce phénomène. À travers des échanges et discussions avec plusieurs manufacturiers alimentaires, j’ai réalisé que l’adaptation et la réduction des formats ne répondent pas qu’à un enjeu inflationniste.

L’inflation exerce effectivement une importante pression sur les coûts pour les manufacturiers de produits alimentaires et de consommation qui font face à des hausses constantes et incontrôlables des prix des matières premières, de l'énergie et du transport, de façon plus marquée depuis la pandémie.

Ces facteurs exercent une pression intense sur les marges bénéficiaires, ce qui pousse les entrepreneurs à innover et à être plus productifs pour demeurer compétitifs.

 

Perceptions et réalités

J’ai appris que la réduflation, telle que perçue dans le contexte actuel, n’est pas la solution privilégiée par la majorité des manufacturiers. Les consommateurs québécois sont de plus en plus informés et vigilants, et leur fidélité à une marque ou à un produit est de la première importance.

Ce sont apparemment souvent les multinationales qui donnent le ton et qui amorcent ces changements de format, poussant les marques locales à suivre pour rester compétitives.

Les transformateurs québécois doivent non seulement réagir à cette tendance, mais également innover pour maintenir la confiance des consommateurs et leur place sur les tablettes des épiceries.

 

Nouvelles réalités sociales

Plusieurs changements ont été observés dans les modes de consommation au fil des ans, et le marché s'ajuste aux nouvelles réalités sociales et aux besoins fragmentés des familles modernes.

Par exemple, au cours des 25 dernières années, le Québec a connu plusieurs changements démographiques significatifs.

On parle ici du vieillissement de la population, de la baisse de la natalité, de l’évolution des structures familiales, de la fragmentation des besoins au sein des familles, de l’immigration ainsi que de la diversité ethnique et culturelle pour ne nommer que ceux-là.

Ces changements forcent l’industrie des aliments et des boissons à s’ajuster dans leur offre de produits. La réduction des formats – tout comme l’augmentation de différentes offres – est prioritaire.

De plus, offrir différentes tailles d’emballage peut permettre aux consommateurs de choisir en fonction de leur budget, tout en maintenant des options attractives pour tous les segments de marché.

Certains produits, en réduisant leurs formats, peuvent également proposer des baisses de prix, bien que cela ne soit pas systématique.

 

Adoption de stratégies environnementales

Il y a aussi beaucoup de pression sur l’industrie alimentaire du Québec pour encourager l’adoption de stratégies qui tiennent compte des tendances environnementales, économiques et sociales.

Pensons à la réduction à la source des emballages, l’utilisation de nouveaux matériaux durables pour diminuer l'empreinte environnementale, ou encore l’adoption des modèles d’emballage innovants qui nécessitent moins de matière.

Par exemple, des emballages modulaires ou compacts qui minimisent l’espace perdu.

La modification des formats des produits peut contribuer à réduire le gaspillage alimentaire en offrant des quantités plus adaptées aux besoins actuels des consommateurs.

En adoptant ces initiatives, l’industrie alimentaire peut contribuer à réduire considérablement l’utilisation d’emballages et du gaspillage et, par conséquent, à un environnement plus durable.

 

Transparence

Enfin, la transparence reste cruciale pour maintenir la confiance des consommateurs. Il faut savoir qu’il existe des réglementations canadiennes très strictes en matière d’étiquetage et de poids des produits.

Tout changement doit être reflété sur l’étiquetage et conforme aux exigences gouvernementales pour éviter des pratiques de vente trompeuses. La non-conformité aux normes entraîne des conséquences importantes pour les fautifs.

En somme, la réduflation, bien que controversée dans certains cas, s’inscrit dans une dynamique d’adaptation nécessaire face aux défis économiques, environnementaux et sociaux actuels.

Elle incarne surtout une évolution stratégique d’entreprises qui souhaitent rester compétitives, tout en répondant aux besoins variés et changeants des consommateurs.

 

À propos de ce blogue

La face cachée de votre assiette est le blogue de Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) depuis 2010. Nommée Leader d’influence par le Réseau des Femmes d’affaires du Québec, Sylvie a récemment obtenu la certification GCB.D (ESG Global Competent Boards Designation). Sylvie Cloutier est une incontournable du secteur bioalimentaire au Québec. Elle participe activement à l’élaboration de plusieurs décisions gouvernementales et réglementaires qui touchent le secteur alimentaire québécois. Reconnue pour son dynamisme et son leadership, Sylvie assure la représentation, la promotion et la défense des intérêts de l’industrie de la transformation alimentaire du Québec. Sylvie est co-présidente du Conseil consultatif de la politique alimentaire du Canada, co-fondatrice de Aliments et boissons Canada, et siège sur plusieurs conseils d’administration dont ceux Moisson Montréal, de Banques alimentaires Canada, de Financement agricole Canada et de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Elle s’implique également auprès du comité de financement de La Tablée des Chefs.

Sylvie Cloutier

Blogues similaires

L'avenir des PME, selon ChatGPT

21/02/2023 | Marc Lavallée

BLOGUE INVITÉ. L'intelligence artificielle s'avère être un avantage, mais également un risque pour les PME.