Un credo : la rotation rapide des stocks
«La clé de voûte du système mis en place par le directeur du Bonheur des dames est la rotation très rapide des stocks. L’enquête minutieuse de Zola lui a révélé que le rayon de mode du magasin du Louvre renouvelait son stock cinquante-quatre fois dans l’année, contre deux fois pour les boutiques traditionnelles!
«Toute la stratégie du commerce nouveau repose sur une logique de volume, résumée dans cette formule simple : «Vendre bon marché pour vendre beaucoup et vendre beaucoup pour vendre bon marché». Ce mot d’ordre ne tolère aucune exception : «C’était la règle de la maison, on balayait tout chaque année, on vendait à soixante pour cent de perte, plutôt que de garder un modèle ancien ou une étoffe défraîchie».
«Pour obtenir cet écoulement rapide de la marchandise, les prix bas sont accompagnés d’un changement complet des règles du jeu. Une des nouveautés les plus radicales, pour l'époque, est la «marque en chiffres connus», autrement dit l’affichage des prix. «Ensuite, il célébra la marque en chiffres connus. La grande révolution des nouveautés partait de cette trouvaille. Si l’ancien commerce, le petit commerce agonisait, c’était qu’il ne pouvait soutenir la lutte des bas prix, engagée par la marque. Maintenant, la concurrence avait lieu sous les yeux mêmes du public, une promenade aux étalages établissait les prix.»
«Cette plus grande transparence s’accompagne d’une politique d’achat agressive, qui renverse le rapport de force avec les fournisseurs. En contrepartie de volumes importants, les grandes maisons de soierie lyonnaises sont «à genoux devant les grands magasins», d’autant que leur outil de production important ne leur permet pas de se brouiller avec les grands acheteurs du marché.
«C’est ce qu’explique l’un des soyeux au petit marchand Robineau : «J’en connais trois ou quatre qui se les disputent, qui consentent à perdre pour obtenir leurs ordres. Et ils se rattrapent avec les petites maisons comme la vôtre. Oui, s’ils existent par eux, ils gagnent par vous…» Les dindons de la farce sont les petites boutiques à l’ancienne.
Une gestion du personnel anonyme et brutale
«Dans le domaine crucial de la gestion du personnel (le Bonheur des dames compte 1 500 vendeurs, et un total de 2 500 employés!), Octave Mouret met également en place des pratiques novatrices… et brutales.
«Il n’hésite pas à attiser les rivalités de ses employés et les traite comme des numéros. Ainsi, au début de chaque été, il se débarrasse sans état d’âme de son excès de personnel :