Ainsi, M. Chowdhury a constaté que la notion de myopie managériale faisait débat aux Etats-Unis. Il y a d’un côté ceux qui croient en son existence et à son impact, et de l’autre, ceux qui n’y croient pas du tout. Les premiers s’appuient sur différentes études, comme celle Graham, Harvey et Rajagopal (2005) ; et les seconds en font tout autant, avec des études semblables à celle de Jensen (1986). Qui a raison? Qui a tort? Le chercheur a voulu en avoir le cœur net.
C’est pourquoi il s’est intéressé à un point en particulier, soit les investissements à moyen et à long terme effectués par les entreprises. Si la myopie managériale est une réalité, on devrait s’attendre à ce que les leaders myopes surinvestissent à court terme et sous-investissent à moyen et à long terme, a-t-il considéré. Et il a concocté différentes hypothèses à ce sujet, pour ensuite les tester économétriquement…
Pour commencer, le chercheur a cherché à identifier une variable pouvant être considérée comme symbolisant la myopie managériale. Et il a choisi… l’âge du PDG! Curieux, n’est-ce pas? Mais pas si fou que ça en a l’air. «L’idée est que plus le PDG est âgé, moins il a de temps devant lui à la tête de l’entreprise et plus court est son horizon managérial», explique M. Chowdhury dans son étude.
Puis, il a procédé par étapes, interrogation après interrogation. La première? Est-il vrai que les entreprises dirigées par des PDG «myopes» sont moins sensibles aux investissements à moyen et à long terme que les autres? Pour y répondre, il a considéré le cas théorique où des entreprises ont la possibilité de faire croître leurs activités et regardé ce que donnaient les calculs économétriques en fonction de l’âge du PDG. Résultat : à chaque tranche d’âges retenue par le chercheur, les investissements à moyen et à long terme diminuent «de manière significative», à savoir de 35%.
Autre interrogation encore : les leaders myopes rechignent-ils à faire des dépenses d’investissement? Pour le savoir, le chercheur a, cette fois-ci, regardé si, pour chaque dollar supplémentaire investi, le leader myope consacrait une part de plus en plus infime de celui-ci aux dépenses d’investissement (remboursement d’emprunts, travaux, réparations, etc.). Et là encore, il a noté qu’à chaque hausse de tranche d’âges du PDG correspondait une diminution des dépenses d’investissement, à hauteur de 8%.
Bien entendu, le chercheur a effectué de nombreux tests de robustesse sur sa méthodologie. Il a vérifié si différents aspects du problème ne travestissaient pas les résultats obtenue. Par exemple, il s’est demandé si le fait que les jeunes PDG se retrouvent souvent à la tête de jeunes entreprises n’incitait pas ces leaders à investir d’une manière ou d’une autre, rien que parce que l’entreprise n’est pas encore solidement établie. Et à chaque fois, il a vu que cela n’avait pas de réel impact sur les résultats de son étude.
Bref, aucun doute n’est possible, plus un PDG vieillit, c’est-à-dire plus il devient «myope», moins il investit de manière optimale.