> La méchanceté gratuite. Elle correspond à un coût nul pour l’acteur. Et elle est clairement la plus commune, de nos jours.
Un exemple évident : les mauvaises langues. Le chercheur a analysé le cas de deux professeurs d’université qui visent le même poste, l’un décidant de mener une campagne de dénigrement à l’égard de son rival. Et il a mis au jour le fait que l’acteur tirait un bénéfice de sa méchanceté essentiellement parce que les mensonges se propagent à très grande vitesse.
Autre exemple, un peu moins évident : l’omission. On peut, en effet, faire du tort à autrui en ne disant pas du bien de lui, oui, en taisant ses succès et autres bons coups. La réputation de celui-ci aurait pu grandir grâce à l’acteur, mais rien que par méchanceté, il s’est abstenu de le faire. La nuisance découle alors du fait que, comme l’a appris le chercheur grâce à ses calculs, les bonnes nouvelles, elles, se propagent très lentement.
Maintenant, que faire face à tant de ressources maléfiques? Feindre de les ignorer, et laisser les autres braire? Riposter bec et ongles? Ou encore, entrer dans la danse, et se mettre, nous aussi, à rivaliser de méchanceté avec les êtres malfaisants grouillant tout autour de nous? Et si l’on adoptait une autre voie…
C’est ce que suggère M. Yu dans son étude, et c’est même ce qui en fait tout l’intérêt, à mes yeux. Celui-ci invite ni plus ni moins à changer notre vision de la méchanceté, et par suite notre comportement à son égard.
Comme on l’a vu, la méchanceté est une question de «coûts» et de «bénéfices». Nous sommes méchants même si nous n’en tirons aucun bénéfice direct, pourvu qu’autrui enregistre un coût. Nous pouvons même être méchant en dépit d’un coût pour nous, pourvu que le coût pour autrui soit nettement supérieur. C’est là la vision classique de la méchanceté.
Pourquoi ne pas la voir autrement? On pourrait, par exemple, inverser totalement l’approche et considérer la «méchanceté» non pas d’un point de vue «négatif», mais «positif».
Je m’explique… Les calculs économétriques s’appuient sur les coûts, c’est-à-dire sur les pertes enregistrées par la cible de nos attaques. D’un point de vue purement mathématique, on pourrait changer les «-» par des «+», et voir ce qui se passerait. C’est justement ce qu’a effectué le chercheur. Et il a eu une belle surprise…