Les trois chercheurs ont procédé en plusieurs étapes, chacune visant à affiner les découvertes faites. Ils sont ainsi partis d’un sondage qu’ils ont mené en 2007 auprès de 63 202 personnes établies en Suisse. Un questionnaire a été adressé à 40 000 entrepreneurs choisis au hasard dans le registre commercial helvète, à cette condition près qu’ils répondaient tous à un critère : ils avaient fondé leur entreprise entre 2002 et 2006. Un même questionnaire a aussi été envoyé au hasard à 23 202 personnes qui étaient soit manager, soit employé. En tout 8 245 personnes y ont répondu, dont plus du tiers étaient des entrepreneurs.
Le questionnaire visait à évaluer la perception que ces personnes avaient de leur succès professionnel et du rôle éventuel que la chance y avait joué. Il était tourné de telle sorte qu’il était possible de déceler des facteurs qui ont pu jouer dans le succès rencontré, à l’insu de la personne elle-même : son expérience professionnelle, ses goûts, sa personnalité, sa passion pour le travail, etc.
Résultat? À tomber à la renverse! Les personnes interrogées ont considéré que ce qui expliquait leur succès – ou leur infortune – professionnelle… demeurait un mystère! Ils ne s’expliquaient pas, pour quelque 90% d’entre eux, pourquoi parfois les événements tournaient en leur faveur, et parfois, en leur défaveur. Et ils attribuaient donc tout cela à la chance…
Ce résultat, on s’en doute bien, a laissé perplexes nos trois chercheurs. La méthodologie adoptée était-elle mauvaise? Ou était-ce bel et bien les bons résultats? Ils se sont creusé les méninges, et ont fini par se dire qu’il y avait là probablement un fond de vrai, mais que la notion de succès était trop floue. De fait, c’est quoi, au juste, le succès? Obtenir un bon résultat? Faire mieux que les autres? Sur-performer? Bref, chacun a sa propre définition du succès, surtout le concernant…
Que faire pour surmonter cette difficulté? Les trois chercheurs ont alors eu l’idée de procéder autrement, en se basant plutôt sur des données chiffrées. Ils ont directement demandé aux entrepreneurs qui avaient participé au sondage de 2007 de leur fournir des chiffres clés de leurs activités, comme les ventes, les revenus, leur salaire, etc. Et avec celles-ci, ils ont concocté trois instruments de mesure de la performance, à partir de différents logarithmes. L’intérêt de cette démarche, c’est qu’elle réduit considérablement l’importance de la «perception» de la performance, et donc le flou entourant la notion de succès.