Watson, un hameçon pour étudier le grand public
Au-delà de la publicité gratuite, la seconde raison qui explique l’intérêt d’IBM pour la cuisine est liée à l’une des fonctionnalités clefs de Watson. Sa capacité à communiquer les résultats de ses analyses en langage naturel, bref, de se faire comprendre de monsieur et madame tout le monde.
Watson étant un produit B2B, le produit ne compte qu’un nombre limité d’utilisateurs. Par conséquent, les concepteurs de Watson disposent de beaucoup moins de données pour améliorer la capacité de Watson à interagir avec des humains qu’en dispose, disons, l’équipe qui travaille sur Siri, l’assistante virtuelle d’Apple installée par défaut sur des millions d’iPhone.
C’est là où le chef Watson vole au secours d’IBM. En effet, le géant informatique offre le chef Watson en partenariat avec le magazine Bon Appétit, en version bêta, à un nombre limité d’utilisateurs. Toutefois, IBM vise à rendre cet outil disponible au plus grand nombre sur le Web. « IBM voulait trouver le moyen de mettre cette technologie entre le plus de mains possible lorsqu’un développeur de l’équipe, qui avait une formation de chef, a eu l’idée de concevoir le chef Watson », évoque Rick Power.
Watson ne semble pas savoir ce qu'est une poutine...
Maintenant que vous savez comment et pourquoi Watson est devenu cuisinier, vous vous demandez probablement comment il a fait pour concevoir la poutine canadienne-antillaise au homard (ma préférée) ou la poutine végétarienne haïtienne-grecque.
Pour passer du traitement de données à mon bol, Rick Power m’a expliqué que les chefs de l’Institute of Culinary Education, à New York, ont interrogé Watson en lui fournissant des mots clefs, après quoi il a généré une longue liste de recettes possibles. Ceux-ci ont ensuite fait des choix en utilisant leur jugement de chef : « L’outil est davantage un générateur d’idées originales », explique Rick Power.
Encore perplexe face à la capacité d’un ordinateur, aussi intelligent soit-il, à réinventer notre plat national, j’ai voulu aller plus loin en essayant la version bêta du chef Watson. Or, la version présentée lors de l’événement ne connaissait pas même le mot poutine! Même en lui proposant de générer des recettes contenant des frites, du fromage et de la sauce, le chef Watson n’est pas parvenu à me proposer une recette ressemblant de près ou de loin à de la poutine.
Lorsque j’ai questionné Rick Power à ce sujet, il était pris au dépourvu. Il a avancé que les chefs de l’Institute of Culinary Education utilisaient probablement une autre version du logiciel Watson. Je suis prêt à le croire. Malgré tout, je n’ai pu m’empêcher de penser que le chef Watson, du haut de sa logique imprenable et de sa connaissance fine de la chimie alimentaire, s’était peut-être révoltée lorsque les ingénieurs d’IBM lui ont demandé de créer de la poutine.