BLOGUE. La garderie ferme à 17h. De manière à pouvoir aller chercher ses enfants avant la fermeture, un employé demande à pouvoir travailler ses pauses et partir 30 minutes plus tôt. L'employeur est-il forcé de l'accommoder?
Si vous êtes une entreprise sous juridiction fédérale, la réponse dépendra de si la contrainte est excessive pour l'employeur.
Si vous êtes sous le régime provincial, comme la grande majorité des travailleurs québécois, la probabilité qu'un tribunal force l'accommodement est nettement plus incertaine.
C'est ce qu'on a découvert, il y a quelques jours, lors d'une très intéressante formation donnée par les avocats Laurence Déry et Antoine Aylwin, de Fasken Martineau. L'état du droit est d'eux, la conclusion est de nous.
La loi canadienne sur les droits de la personne prévoit explicitement qu'il est interdit de discriminer en fonction de « l'état matrimonial, et de la situation de famille ».
La Charte des droits et libertés de la personne du Québec protège plutôt, elle, contre une distinction fondée sur « l'état civil ».
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En jurisprudence, les tribunaux ont reconnu que la loi fédérale forçait, selon les situations, une conciliation travail-famille. Le niveau de conciliation peut évidemment varier d'un juge à l'autre. Certains estimeront qu'une atteinte grave est nécessaire au droit d'un employé pour forcer l'employeur, d'autres estimeront qu'une simple atteinte suffit et regarderont les efforts de chacune des parties. Mais le principe de départ est la conciliation.
La jurisprudence sur la loi provinciale est cependant beaucoup plus restrictive. Certaines décisions concluent que « l'état civil » prévu à la Charte inclut la situation familiale, mais d'autres décisions concluent qu'il ne l'inclut pas.
Ce qui est notamment préoccupant, c'est que la Cour d'appel a conclu en 2010 que la situation parentale ne relevait pas de la notion d'état civil.
La Cour parlait en obiter (une forme de « soit dit en passant »), mais il y a désormais risque que certains juges voient dans la décision du plus haut tribunal de la province un endossement du courant qui veut que la loi ne force pas les employeurs à faire preuve de conciliation.
À l'heure où le Québec est prochainement menacé d'une pénurie de main-d'œuvre, il est temps d'instaurer une atmosphère qui permette de bénéficier de toutes les forces hésitantes.
D'autant que la loi fédérale a déjà une longueur d'avance.
Il est temps pour l'Assemblée nationale d'amender la Charte des droits et libertés.