Les actionnaires ne devraient pas être consultés sur les salaires
On parle ici du plus gros morceau de l'assemblée annuelle.
Paul Desmarais estime que la gouvernance d'entreprise souffre d'une inflation de règles et de directives qui absorbent le temps et l'énergie des conseils. Il soutient que les administrateurs sont aujourd'hui obligés de consacrer le plus clair de leur temps à gérer des procédures pour une soi-disant bonne gouvernance. Cela ne leur laisse que peu de temps pour traiter des enjeux critiques comme la stratégie à long terme, l'évolution des besoins des clients et le contexte concurrentiel changeant.
Monsieur Desmarais s'est notamment dit contre les votes consultatifs des actionnaires en matière de rémunération. Il a estimé que les administrateurs avaient tout en main pour décider d'une rémunération adéquate.
Essentiellement, il a demandé à ce que les autorités rétablissent le rôle prépondérant de l'administrateur, en insistant sur le fait qu'il a déjà un devoir de fiduciaire pour l'ensemble des actionnaires. Il est important, a-t-il dit, de rebâtir la confiance envers les administrateurs.
-Vous semblez être en complète opposition avec Warren Buffett, lui a-t-on fait remarquer.
Il a rétorqué qu'il connaissait Buffett et son comparse Charlie Munger et était convaincu qu'ils étaient d'accord avec lui sur la nécessité de rebâtir la confiance envers les administrateurs et sur l'excès des demandes en matière de gouvernance.
Sur ces points, sans doute. Sur celui de la rémunération, certainement pas. Dix années à fréquenter les assemblées de Berkshire Hathaway nous ont permis de constater que Buffett avait pas mal perdu espoir dans les salaires qui sont versés aux hauts-dirigeants. À l'une d'entre elle, il avait notamment fait remarquer que les conseils sur lesquels il siégeait se gardaient bien de le proposer au comité de rémunération. À une autre, il avait dénoncé les consultants en rémunération qui avaient vite compris qui mettait le beurre sur leur pain.
Buffett s'est en outre récemment abstenu de voter sur la rémunération des dirigeants de Coca Cola, parce qu'il la jugeait trop élevée.
La cimenterie de Port-Daniel
Un mot enfin sur le projet de cimenterie de Port-Daniel, qui a fait couler beaucoup d'encre dans les médias, et où la famille Desmarais (actionnaire indirect du cimentier Lafarge) et la famille Bombardier-Beaudoin (actionnaire principal de Port-Daniel) ont souvent été réputées être en intense rivalité.
Jamais la discussion de Port-Daniel n'a été abordée au conseil, a dit Paul Desmarais. Le plus loufoque est qu'il s'est finalement décidé à poser quelques questions à Lafarge sur l'affaire parce que tout le monde en parlait dans les médias.
Le président de Power a dit être un ami de la famille Bombardier-Beaudoin, mais soutenir la position de Lafarge, dont Power est actionnaire.
Il a souhaité bonne chance à Laurent Beaudoin, en disant croire que ce ne serait pas facile. L'industrie du ciment au Québec ne fonctionne qu'à 60% de sa capacité, et exporter du ciment aux États-Unis ne sera probablement pas aussi facile qu'on le croit.
Quelqu'un devra céder quelque part, a-t-il estimé.
La conférence de presse a finalement pris fin, les frères Desmarais devant aller à un conseil d'administration.
"Je pense qu'on vous a donné pas mal de matériel", a lancé en souriant, André Desmarais.
En effet!
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT