En conférence de presse, Jean Coutu n'est pas allé jusqu'à dire que l'Ordre devait se prononcer contre l'entente, mais, après avoir entendu que l'organisme n'entendait pas prendre position, le fondateur de PJC a soutenu qu'il devrait.
Monsieur Coutu s'est montré agacé par le fait que les pharmaciens allaient chercher à magasiner d'un manufacturier de génériques à l'autre pour tenter d'avoir le meilleur prix sur chaque médicament. Ce faisant, des clients se verront remettre des pilules différentes (dans la forme ou dans la couleur, pas dans l'effet) et demanderont pourquoi. Jean Coutu dit trouver embarrassant pour un pharmacien de répondre que le changement survient simplement parce que c'est désormais plus payant pour lui.
Il n'a pas réellement précisé en vertu de quelle disposition légale l'Ordre devrait se pencher sur la question.
L'article 6 du Code de déontologie des pharmaciens stipule que le pharmacien a le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être de ses patients.
Il est possible qu'un changement de médication puisse causer certains stress à des personnes plus âgées. Ça n'apparaît pas un motif suffisamment fort pour torpiller le projet, mais il serait quand même bon que l'Ordre professionnel se prononce. C'est son mandat de surveiller l'intérêt du public lorsque des modifications de fonctionnement sont apportées au système.
L'entente est-elle injuste pour les manufacturiers génériques?
Le gouvernement revient en quelque sorte à la situation d'avant 2008. Il n'y avait pas alors d'allocation professionnelle (rabais) plafonnée à 15%. C'était le libre marché, les manufacturiers étant libres d'offrir des rabais supplémentaires.
À cette époque, les gouvernements provinciaux avaient amorcé une série de réformes sur le prix affiché des médicaments génériques parce qu'ils estimaient payer trop cher. Un jeu de négociation avait amené les manufacturiers à accepter, mais, pour pouvoir donner de meilleurs prix sur les médicaments, il fallait récupérer une partie de l'argent à quelque part. Les rabais étant à ce moment de près de 40% (selon le Bureau de la concurrence), on les ramena à 20%, puis 15%.
Depuis ce jour, le prix des médicaments génériques a significativement baissé. De 54% de celui du médicament d'origine, il est aujourd'hui à 25% et même à 18% lorsqu'il s'agit de médicaments génériques à forts volumes.
Les analystes redoutent maintenant qu'avec l'abolition du plafond de 15%, les rabais grimpent quelque part entre 25% et 40%. Ces chiffres sont avancés en fonction de ce qui se paie dans d'autres provinces.
Injuste?
Si tel est le cas dans d'autres provinces, on ne voit pas pourquoi le Québec devrait s'empêcher d'imiter ses homologues.
Certains avanceront que le système fonctionne différemment d'une province à une autre et que Québec s'apprête à demander plus qu'ailleurs aux manufacturiers génériques. L'Ontario interdit par exemple les rabais et a des honoraires de services plus élevés pour ses pharmaciens.
Il peut cependant être rétorqué que si les marges de rentabilité de l'industrie générique deviennent plus faibles au Québec ce sera parce qu'elle aura décidé de guerroyer sur les prix. Personne n'est forcé d'augmenter les rabais, c'est le libre-marché.
À première vue, la réforme n'apparaît pas inéquitable.
La perte risque d'être significative pour Jean Coutu
Évidemment, les actionnaires de la société se demanderont pour combien ils sont à risque dans toute cette affaire. L'action est en recul de 20% sur le début de l'année et de retour à son niveau d'il y a un an. Elle était jugée en partie surévaluée, mais les derniers développements ont accéléré la descente.
Il y a beaucoup de brouillard. Le choc est évidemment absorbable, mais pourrait être assez significatif. Credit Suisse calcule qu'une hausse des rabais de 15% à 25% générerait une perte de 0,12$ par action. En postulant une hausse des rabais à 40%, mais une facture refilée à 50% aux fournisseurs de Pro-Doc, BMO Marchés de capitaux arrive à 0,10$. Le tout est à mettre en perspective avec un bénéfice de 1,17$ par action l'an dernier.
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