Photo: Bloomberg
Ouf, c'est tout un poker qui s'est joué ces dernières semaines chez Bombardier(Tor., BBD.B) La Caisse de dépôt semble y avoir tenté un important changement d'influence qui, faute de détails, laisse dans son sillage quelques interrogations, dont celle-ci: a-t-elle encore confiance?
Le Globe and Mail rapportait jeudi l'épique histoire du dernier refinancement de Bombardier.
Essentiellement, les faits relatés sont les suivants.
Début février, Bombardier décide qu'elle a besoin de se refinancer par émission d'actions pour 600M$ US. Le syndicat de courtiers chargé de l'émission commence à sonder les intéressés. Sa première approche est à la Caisse de dépôt.
L'institution se dit apparemment prête à injecter de 250 à 300M$ US, soit la moitié du financement nécessaire. Mais elle pose ses conditions.
Elle veut avoir son mot à dire sur la nomination du prochain chef de direction. Le nombre de votes attachés aux actions de catégorie A, qui permettent à la famille Bombardier-Beaudoin de contrôler 54% de l'entreprise, doit aussi être ramené de 10 à 6 par action.
Une autre demande a trait à la structure de son placement. On parle d'obligations convertibles en actions, mais on parle aussi d'une participation du même type que celle de la famille Bombardier. Ce dernier bout d'histoire n'est pas clair.
L'affaire jettera beaucoup de stress dans l'opération. Le 9 février, Louis Vachon, PDG de la Banque Nationale (qui est dans le syndicat), est apparemment appelé à venir livrer son opinion au conseil d'administration de Bombardier. Il y est alors décidé de tenter le refinancement sans la Caisse auprès d'autres investisseurs.
Le 20 février, à la clôture du financement, le syndicat bancaire contacte la Caisse pour savoir si elle embarque dans l'opération. Celle-ci répond par courriel, cinq minutes avant la fermeture du financement: "We're out". Deux minutes plus tard, changement de position, la Caisse veut une participation de 30 M$ (ou 1,4% du financement).
L'affaire n'est pas sans soulever certaines interrogations.
La confiance dans la famille
La première question qui vient à l'esprit touche évidemment le contrôle de Bombardier. Malgré les appels logés, il n'a pas été possible de savoir si la famille aurait conservé le contrôle de la société à la suite de l'opération envisagée par la Caisse.
La seconde est la plus importante: la Caisse a-t-elle encore confiance en Bombardier?
L'institution semble avoir une certaine position dans Bombardier (242,5 M$ d'actions et d'obligations au 31 décembre 2014). Son intention initiale d'injecter 250-300 M$ US donne à penser qu'elle a une relative confiance dans le potentiel de la société.
Sous cette perspective, les derniers développements peuvent laisser croire que c'est sa confiance dans la famille qui s'est érodée.
En revanche, la décision du conseil de Bombardier de faire venir Louis Vachon peut aussi être interprétée comme quoi personne n'était convaincu que le refinancement allait réussir sans la présence de la Caisse (elle y compris) et que celle-ci jouait simplement ses cartes de manière à obtenir le plus d'impact décisionnel possible pour son investissement.
En 2014, lors de l'annonce du projet de la cimenterie McInnis, Michael Sabia indiquait que la Caisse avait entre autres décidé de faire le saut dans le projet parce qu'elle avait dans le passé entretenu une bonne relation avec Baudier, la société de la famille Bombardier-Beaudoin. Il n'avait pas détaillé la relation, mais on sait que la Caisse était (et est toujours) partenaire dans BRP.
Toute cette histoire n'est-elle qu'une simple épreuve de force entre actionnaires (le nouvel argent chasse le vieux, à ses conditions), ou si la confiance de monsieur Sabia dans la famille et la nouvelle direction s'est érodée?
Il serait intéressant de l'entendre.
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