Je me débrouillais jusque-là fort bien en en étant dépourvu, même que l’idée d’un appareil aussi spécialisé m’apparaissait un peu ridicule. Le genre de truc à classer avec le Rotato dans la catégorie des objets qui encombrent inutilement la maison.
Autour de moi, par contre, ceux qui en possédaient un n’en disaient que du bien. L’idée s’est peu à peu fait un chemin dans ma tête, tellement qu’un samedi matin, j’en ai commandé un sur Amazon. Un petit modèle ovale japonais qui émet la mélodie de «Ah! vous dirai-je maman». Ce n’est pas donné cette chose-là. Un luxe, je vous dis.
J’ai acheté un cuiseur à riz.
Je l’attendais avec impatience au bureau, après toutes ces années à vivre dans l'ignorance, j’allais enfin découvrir LE riz!
Au bout de la grande chaîne de distribution, notre gentille adjointe Maude a visiblement du plaisir à nous livrer nos emplettes. C’est qu’elle est un peu curieuse, elle s’enquiert toujours de ce que nous recevons. Le jour où je croyais pouvoir révolutionner la cuisson du riz, Maude m’apporte un paquet qui ne renferme visiblement pas l’appareil tant attendu. On dirait un livre, comme j’en reçois toutes les semaines.
«C’est quoi?» demande Maude.
J’ouvre pour lui faire plaisir. Drôle de coïncidence, plutôt qu'un cuiseur à riz, c'est En as-tu vraiment besoin?, le bouquin de Pierre-Yves McSween, avec une dédicace.
On se connaît un peu, on traite à l’occasion des mêmes sujets, moi ici et lui sur les ondes du 98,5 et sur Voir.ca. On est en contact sur Facebook où on jase REEE et cartes de fidélité. Je connaissais ce projet de livre depuis un bon moment, son éditeur est un ami.
Tout a commencé avec une question simple et efficace, comme un bon slogan publicitaire: «En as-tu vraiment besoin?» Son leitmotiv, qui nous ramène à notre rapport à la consommation, est devenu pour lui une marque de commerce et, pour ses admirateurs, une sorte de ritournelle. Le comptable à «la tignasse de rock star», comme le dépeint son éditeur, nous présente cette semaine son credo dans un livre de plus de 360 pages préfacé par Paul Arcand.
Ce livre de finances personnelles vise principalement les jeunes adultes et décline la question «En as-tu vraiment besoin?» en une quarantaine de thèmes, de la carte de crédit à la dernière technologie, en passant par le budget, les REEE et l’assurance de dommages. Le livre nous fait réfléchir sur nos choix de consommation, sur les conséquences de l’endettement et la liberté que procure l’épargne. Il va plus loin en traitant les questions de l’investissement, des choix professionnels, de mise en marché personnelle et bien d’autres encore.
Le ministère de l’Éducation devrait inscrire ce livre à la liste des lectures obligatoires de son programme d’éducation financière. Sur un ton accessible, souvent amusant, il couvre tous les sujets essentiels. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un ouvrage jeunesse. La plupart des adultes, les jeunes comme les plus âgés, auraient intérêt à le lire. J’y ai reconnu les «travers» de bien des amis et des collègues. Et les miens, bien sûr.
Tous les chapitres n'ont pas la même pertinence. Il y a les pratiques, les informatifs, ceux qui font réfléchir et celui… que j’aurais coupé (Une cravate, en as-tu vraiment besoin?). Le plus important, à mon avis: «Écouter les autres, en as-tu vraiment besoin?» C’est la base de tous les excès, vouloir faire comme les autres ou les impressionner. «La dernière technologie, en as-tu vraiment besoin?» est le chapitre qui me concerne le plus et «Cuisiner, en as-tu vraiment besoin?» m’a conforté dans mon dernier achat.
Le problème avec les finances personnelles est qu’il est difficile de ne pas verser dans une forme de moralisme, et ce livre n’y échappe pas. L’effet est d’ailleurs amplifié par des messages, en fin de chapitres, imprimés dans un phylactère qui émane d’une petite silhouette de l’auteur. Cela dit, ça n’enlève rien à la qualité du livre.
Des gens risquent aussi d’être rebutés par le discours, puisqu’il ramène les moindres dimensions de la vie à leur caractère financier: amour, enfants, mariage... Cela ne nous rappelle pas moins que l’argent est partout. Le chapitre «Des enfants, en as-tu vraiment besoin?» risque de faire réagir les émules de la blogueuse Bianca Longpré (T'as pas d'enfant, tu m'en dois une!). Ceux sur les voyages et le mariage ne feront pas l’unanimité.
D’autres seront contrariés par l’idée générale, une vague frugalité qui invite à rouler en bazou, qui se dégage du livre et de la question «En as-tu vraiment besoin?»
«Peut-on encore avoir du fun?» se demanderont plusieurs.
Oui, en se permettant d’être déraisonnable sur ce qui nous procure bonheur véritable et plaisir durable, et même Pierre-Yves est d’accord.
Espérons que le bonheur se trouve dans un petit bol de riz cuit à la perfection.
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