Productivité : la leçon a fini par passer

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Productivité : la leçon a fini par passer

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Il y a bien des façons de mesurer la productivité. On m'en a suggéré une, un jour, qui me restera toujours en mémoire.

À l'époque, j'étais journaliste en Gaspésie. L'économie de la péninsule reposait essentiellement sur l'exploitation des ressources naturelles. La mer, les mines, l'agriculture et surtout la forêt occupaient une place déterminante, tandis que le secteur secondaire - la transformation - restait limité. Dans bien des villages, on se débrouillait avec les moyens du bord. On y retrouvait presque toujours une petite scierie, ou plus familièrement un moulin à scie.

Un plus vieux journaliste m'avait dit, peut-être pour m'impressionner : "Si tu veux rapidement savoir s'il y a un moulin à scie dans un village, regarde les mains des gars. S'il leur manque un doigt, pas de doute, il y a un moulin. Ils en sont encore à faire des planches avec des scies rondes et, à la longue, les travailleurs deviennent moins vigilants..."

Il ne m'est jamais arrivé de remarquer des doigts manquants. Mais cette histoire a des allures de parabole, parce qu'elle illustre bien à quel point le Québec a trop longtemps négligé d'améliorer ses pratiques pour accroître en même temps sa productivité.

À l'époque, on ne connaissait même pas le terme. Le dollar canadien était appelé, par dérision, le peso du Nord et croupissait à 70-75 % de la valeur du dollar américain. La main-d'oeuvre, elle, était abondante, peu formée, et l'équipement était souvent rudimentaire. Mais ce n'était pas grave : du fait du taux de change et des salaires de misère, nos produits étaient relativement peu chers, même si les machines dont on se servait étaient désuètes. Trois gars mal payés sur une scie de fortune fabriquent quand même des planches dont le prix, au bout du compte, reste concurrentiel.

Mais la valeur de notre dollar a fini par grimper. D'autres pays sont entrés dans la danse de la production avec des moyens autrement plus sophistiqués ou des ouvriers encore plus chichement payés. Et le Québec a vu avec amertume son industrie manufacturière décliner pour une foule de raisons, notamment sa productivité défaillante au regard de la concurrence internationale.

Le Québec en milieu de peloton canadien

À force de signaler l'urgence de devenir meilleurs, la leçon a fini par passer. On a compris que le huard ne serait plus une aubaine et qu'on ne pourrait plus miser d'abord sur les bras. La productivité québécoise a fini par se relever.

C'est entre autres ce qu'on peut retenir d'un rapport récent de l'Institut C.D. Howe, "Lagging Behind : Productivity and the Good Fortune of Canadian Provinces", signé par Serge Coulombe, professeur d'économie à l'Université d'Ottawa. Bonne fortune, parce qu'en général, le Canada a été béni des dieux : ses richesses naturelles ont contribué à sa prospérité... et à sa productivité.

Les travailleurs qui bossent sur des plateformes d'exploitation en mer rapportent plus, per capita, que des bûcherons mal outillés ou des ouvrières du textile. Idem pour les mines qui parsèment le pays. La valeur de cette production est considérable et bonifie a priori notre bilan en matière de productivité.

C'est ce qui a permis à la province de Terre-Neuve-et-Labrador de se hisser au sommet du classement canadien quand on considère les gains de productivité obtenus de 1984 à 2009, avec une progression moyenne annuelle de 1,27 %. Son économie autrefois vacillante s'est enrichie de l'apport du pétrole. La valeur de sa production totale a bondi. Le Québec, lui, se classe en milieu de peloton canadien avec un gain moyen de 0,94 %.

Mais si on exclut la composante "ressources naturelles" de l'analyse et qu'on prend en considération l'apport de la force de travail par elle-même, l'Alberta vient au premier rang, suivie de l'Ontario... et du Québec, avec respectivement des gains moyens annuels de 1,2 %, 1,1 % et 1 %. Ces trois provinces misent aujourd'hui sur la diversification de leur économie et sur des secteurs forts. Malheureusement pour elle, Terre-Neuve-et-Labrador dégringole alors au dernier rang, avec tout juste 0,6 % d'amélioration.

"La bonne fortune ne dure pas éternellement", écrit Serge Coulombe. Autrement dit, il serait risqué de s'en remettre encore longtemps aux largesses de la nature. Comme auparavant, lorsqu'on comptait sur les mains de travailleurs faciles à remplacer. Tant mieux si le message est mieux compris.

DE MON BLOGUE

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C'est toujours pareil : lorsque les observateurs internationaux vantent le Canada, le Québec, Montréal ou Saint-Zéphyrin, les politiciens y font vite écho. Mais quand la critique devient moins positive, on l'écarte du revers de la main, avec des "ce n'est pas grave, ils peuvent toujours parler, ça ne nous dérange pas". Entre ça et se cacher la tête dans le sable...

Vos réactions

"On pourrait peut-être s'endetter un peu plus pour rendre ça plus beau [...] ça n'empêcherait pas des entreprises à Montréal de sacrer le camp ailleurs pour aller produire dans des bidonvilles de pays en développement."

- Gotan

"Je ne vois pas grand changement à Montréal entre les années où la ville était bien classée et aujourd'hui, où elle l'est moins. Ce n'est pas une ville qui est reconnue pour sa beauté, pour son dynamisme, pour sa modernité, pour ses projets, même si elle adore, par contre, se comparer aux autres."

- Olivier M.

"Comment pourra-t-on dépenser les centaines de milliards qu'exige la réparation des infrastructures qui nous tombent sur la tête, parce qu'elles ont été mal conçues ? [...] C'est bien beau de parler de commencer à payer la dette, alors que le Québec n'est même pas en mesure de faire un déficit zéro."

- YBertrand

rene.vezina@transcontinental.ca

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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