Pour en finir avec la manie des moratoires

Publié le 18/08/2012 à 00:00

Pour en finir avec la manie des moratoires

Publié le 18/08/2012 à 00:00

Remettre à demain ce qu'on peut faire aujourd'hui est un vilain défaut, paraît-il. C'est pourtant un art dans lequel la plupart des politiciens sont passés maîtres.

Pour éviter de se faire traiter de procrastinateurs, ils ont cependant adopté un mot plus vague, aux contours mal définis, qu'ils emploient allégrement... chaque fois, en fait, qu'ils ne veulent pas affronter directement une situation potentiellement embêtante. C'est alors que surgit ce terme passe-partout en train de se répandre comme la gale dans le paysage politique québécois : moratoire.

Vous ne savez pas comment vous positionner dans le débat sur le gaz de schiste ? Évoquez un moratoire. Ainsi, on ne saura pas exactement ce que vous en pensez et vous pourrez toujours vous brancher plus tard.

Même chose pour le pétrole de l'île d'Anticosti ou celui, plus controversé encore, au large des Îles de la Madeleine. Restez flou. Et pour signaler que votre approche demeure quand même sérieuse, parlez de moratoire, «le temps que la connaissance progresse de manière à ce que la décision finale repose sur des bases objectives.» Vous pouvez utiliser cette phrase aussi bien pour les ressources du Nord que pour les droits de scolarité universitaires, les places en garderie ou n'importe quel autre dossier épineux. On ne comprendra pas trop, mais l'explication sonnera bien et vous aurez réussi à vous débarrasser élégamment d'une patate chaude.

Élégamment... mais pas honorablement. L'Histoire retient les gestes, pas les atermoiements. Les vrais chefs d'État ne se cachent pas derrière des moratoires. Ils décident, en sachant bien que la décision ne plaira pas à tout le monde. Mais dans la définition de tâches des leaders, il y a aussi «prendre position.»

Un mal répandu

Le mal n'est pas que québécois. En France, par exemple, le nouveau gouvernement socialiste s'enfonce dans la refonte du régime de protection sociale particulier dont jouissent traditionnellement les mineurs français. Il était prévu que ce régime serait progressivement intégré au filet social dont bénéficie l'ensemble de la population française... ce qui signifiait probablement la perte de certains avantages. Les mineurs ont rouspété, et la ministre des Affaires sociales, Marysol Touraine, (citée par france3.fr), s'est provisoirement sortie d'impasse en annonçant un moratoire, «afin d'accorder le temps nécessaire au dialogue», dit-elle, tout en blâmant l'administration précédente pour un manque de concertation.

C'est d'ailleurs là un autre mot, «concertation», bien commode pour quiconque cherche à temporiser. En y ajoutant des mandats imprécis et des échéances élastiques, on peut souffler. En autant que personne ne s'en rend compte...

Remarquez, les politiciens ont des émules. Les groupes environnementaux raffolent des moratoires. À défaut de bloquer définitivement un projet, on finit par réclamer qu'il soit mis au réfrigérateur, en une sorte de prix de consolation. Bien entendu, l'idée est de le laisser assez longtemps au froid pour qu'on finisse par l'oublier et qu'il demeure engourdi pour toujours. Les protestataires pourront ensuite dire qu'ils demandent simplement un peu de répit... sans devoir admettre leur opposition finale et sans appel.

Un moratoire... permanent

La Nation crie de la baie James, elle, serait inscrite au livre des records Guiness, section moratoires, si elle existait : elle vient de décréter un «moratoire permanent sur l'uranium». Pour toutes sortes de raisons, elle ne veut pas entendre parler d'une exploitation ou d'une autre. C'est son droit. Mais pourquoi diable ne pas le dire clairement au lieu d'en appeler à ce qui est décrit, dans le petit Larousse, comme la «suspension d'une action, un délai que l'on s'accorde» ? Un délai infini, c'est plutôt long...

Et c'est plus qu'une simple question de formulation. Ce recours incessant aux moratoires trahit un état d'esprit. Un calcul stratégique par lequel on reporte, et reporte, et reporte, sans jamais assumer pleinement une décision qui pourrait déplaire à certains. Or, les enjeux importants ne disparaissent jamais, même si on essaie de faire semblant de ne plus les voir. En campagne électorale, alors qu'on invite les citoyens à choisir qui sont les personnes les plus habilitées à diriger, on devrait au moins avoir l'honnêteté de dire clairement à quelle enseigne on loge.

Je demande donc un moratoire sur les moratoires.

DE MON BLOGUE

Garderies

Plus cher pour les bambins, mais pas pour les étudiants

Dans les faits, les 7 $ que paient les parents cette année ne valent réellement que 6,86 $ par rapport à ce qu'ils payaient en 2011, puis 6,70 $ par rapport à 2010, et ainsi de suite. Si on voulait maintenir cette valeur, il suffirait d'indexer le tarif à l'inflation d'une année à l'autre. C'est une question de justice : que tout le monde paie le même montant réel.

Vos réactions

«Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi ça me revient moins cher d'envoyer mes enfants au privé (après crédit d'impôt) que si j'envoyais mes enfants dans une garderie à +/- 7 $ ? La garderie à 7 $, avec tous les problèmes syndicaux [...], tous les fonctionnaires engagés pour gérer ce programme et les allégations de favoritisme, pourquoi existe-t-elle toujours ?»

- jpbelleau

«Les inégalités sociales devraient se régler sur la déclaration de revenus, et non dans les frais de services. Pourquoi ne pas moduler l'augmentation des frais avec celle du salaire minimum ? Si l'État doit offrir des services de garde, que le prix soit ajusté en fonction d'une offre universelle. Selon moi, elle est là l'inégalité.»

- le consultant

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

rene.vezina@tc.tc

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