"Faire de l'innovation sans protection, c'est comme faire de la philanthropie"

Publié le 23/07/2011 à 00:00

"Faire de l'innovation sans protection, c'est comme faire de la philanthropie"

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Par Pierre Théroux

Louis Carbonneau est un expert en propriété intellectuelle. Il rappelle que le portefeuille technologique constitue souvent la majeure partie des actifs d'une entreprise et que de plus en plus d'investisseurs s'y intéressent. Le Québec gagnerait à soutenir financièrement les entreprises qui brevettent, selon lui.

Les Affaires - Quel portrait faites-vous de l'innovation au Québec ?

Louis Carbonneau - Ce ne sont pas les idées qui manquent. On y trouve un environnement de création et de très belles innovations, par exemple dans les secteurs du logiciel et du jeu vidéo. Mais les entreprises, en particulier les PME, ne protègent pas suffisamment leurs inventions et se font malheureusement copier par d'autres. Elles créent de la richesse pour les autres ! Faire de l'innovation sans protection, c'est comme faire de la philanthropie.

L.A. - Pourquoi les entreprises québécoises négligent-elles de breveter leurs idées ?

L.C. - La propriété intellectuelle au Québec a pris du retard pour deux grandes raisons. C'est d'abord une question de culture. Les entreprises ne comprennent pas l'importance d'adopter une stratégie de propriété intellectuelle. Il y a un manque de vision stratégique. Pourtant, ça doit faire partie intégrante de la culture organisationnelle. C'est aussi un problème financier. Ça peut coûter très cher de déposer et de maintenir des brevets - jusqu'à un quart de million de dollars pendant toute la durée de vie d'un brevet dans certains pays. En Chine et en Corée du Sud, où il y a une forte croissance des demandes de brevet, on sensibilise davantage les entreprises à l'importance de la propriété intellectuelle. Le gouvernement chinois a aussi créé des fonds et adopté des incitatifs fiscaux pour favoriser la protection de la propriété intellectuelle. Au Québec, il y a beaucoup de programmes qui appuient la recherche et développement, mais il n'y a pas de financement pour protéger les innovations.

L.A. - Quelle est l'importance de la propriété intellectuelle ?

L.C. - Une entreprise ne peut pas survivre à long terme sans innover et sans adopter une stratégie adéquate de propriété intellectuelle lorsqu'elle développe de nouveaux produits. Elle risque de se faire copier et de perdre ses avantages concurrentiels. C'est un atout stratégique et un outil commercial primordial, d'autant plus important si elle vise d'autres marchés, en particulier les États-Unis. Ça permet aussi de maximiser la valeur de l'entreprise, comme on l'a vu avec la vente des brevets de Nortel pour 4,5 milliards de dollars. La propriété intellectuelle, c'est souvent 85 % des actifs d'une entreprise, et de plus en plus d'investisseurs ne considèrent pas seulement les états financiers quand ils achètent une société, mais aussi le portefeuille technologique. Les entreprises peuvent aussi vendre les brevets qui ne leur servent pas. Ce sont des actifs intangibles, devenus inutiles, mais qui peuvent être intéressants pour d'autres, qu'elles peuvent échanger contre des liquidités. Ou en profiter pour faire des spin-off.

Louis Carbonneau

48 ans

Diplômé de l'Université de Montréal, l'avocat québécois a oeuvré pendant 15 ans au sein du géant Microsoft, notamment comme directeur général du Groupe de propriété intellectuelle et licences. En 2009, il fondait à Seattle son propre cabinet, The Point Law Group, qui conseille des entreprises québécoises et nord-américaines en matière de propriété intellectuelle. Il vient aussi de lancer Tangible IP, une entreprise spécialisée dans la consultation stratégique pour le courtage et les licences de technologies et brevets. Il enseigne au programme de maîtrise en droit de la propriété intellectuelle de la University of Washington, à Seattle.

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