Alta Précision s'implantera aux États-Unis d'ici 12 à 18 mois

Publié le 28/01/2012 à 00:00

Alta Précision s'implantera aux États-Unis d'ici 12 à 18 mois

Publié le 28/01/2012 à 00:00

Par François Normand

Le fabricant de composants de trains d'atterrissage, Alta Précision, se donne encore de 12 à 18 mois avant d'acheter un concurrent ou de construire une usine aux États-Unis.

La société montréalaise de 78 employés entend ainsi profiter du Small Business Act, une loi américaine qui réserve 23 % des contrats gouvernementaux, notamment militaires, aux PME installées sur le territoire américain.

«Ces contrats nous passent actuellement sous le nez. Nous ne pouvons même pas soumissionner !» explique Guillermo Alonso fils, président d'Alta Précision, une PME à capital fermé fondée en 1979 et détenue à 100 % par la famille Alonso.

Alta Précision réalise 50 % de ses revenus aux États-Unis, où elle vend la plupart de ses produits à l'armée de l'air et à la marine. Au fil des ans, l'entreprise a tiré son épingle du jeu sans y avoir de présence physique. L'implantation prévue d'ici 2014 permettra d'augmenter plus rapidement ses revenus.

Deux questions demeurent en suspens : le financement et la manière dont la PME prendra pied au sud de la frontière. Pour financer ce projet, que Guillermo Alonso évalue à «plusieurs millions de dollars», l'entreprise peut recourir à un prêt traditionnel ou ouvrir son capital-actions à un partenaire d'affaires. «Toutes les options sont sur la table», dit l'entrepreneur.

Quant à la manière, le patron d'Alta Précision affirme que l'achat d'une entreprise de son secteur serait beaucoup plus facile, surtout si elle a déjà des contrats avec l'armée américaine.

Comme de coutume, «il faudrait que ce soit une entreprise plus petite que nous», indique Guillermo Alonso. Et si Alta décide de construire une usine, «elle devra être plus petite que la nôtre à Montréal, tout en fabriquant les mêmes produits», précise le dirigeant, qui tient à ce que Montréal reste le coeur de l'entreprise.

L'aérospatiale militaire : un terrain miné

Alta Précision traversera la frontière dans un contexte économique très difficile. Le pays est très endetté : la dette fédérale s'élève à plus de 15 000 milliards de dollars américains (G$ US), soit la taille du PIB américain !

Pour réduire cette dette énorme, Washington doit sabrer ses dépenses, notamment dans le budget de l'armée. En janvier, l'administration Obama a annoncé des compressions de 487 G$ US sur 10 ans pour le ministère de la Défense, principal client d'Alta Précision dans le pays.

Guillermo Alonso estime toutefois que ces réductions auront peu d'impact sur Alta Précision, puisqu'elles touchent surtout de nouveaux programmes, dont le Joint Strike Fighter (auquel participent plusieurs pays, dont le Canada) pour la fabrication d'un nouvel avion de chasse, le F-35. «Nos contrats concernent d'anciens programmes, comme pour le F-16, le F-15 ou le B-52. Et ces appareils seront encore en service pour une durée de 10 à 20 ans», dit-il.

Selon les analystes de Credit Suisse, l'armée de l'air sera moins touchée que l'armée de terre ou la marine. Ce qui pourrait aussi limiter l'effet sur Alta Précision.

Yvan Bélanger, codirecteur de l'Observatoire de l'économie politique de défense de l'UQAM, partage en partie l'analyse du patron d'Alta Précision. Mais selon lui, les appareils sur lesquels la PME a des contrats pourraient être envoyés à la casse plus rapidement que prévu. «Un jour, le F-35 sera mis en service, ce qui incitera l'armée à réduire de façon significative les flottes d'appareils existants», prévoit-il.

Selon Yvan Bélanger, Alta Précision pourrait garder des contrats sur les anciens appareils, car une partie sera vendue à d'autres pays. «Les États-Unis font toujours cela», dit-il. La PME devra aussi décrocher des contrats sur de nouveaux appareils.

Quoi qu'il en soit, Alta Précision devra évoluer dans une industrie où la tarte sera moins grosse. De 2011 à 2015, les dépenses militaires diminueront de 14 %, à 611,1 G$, selon les analystes de l'organisation américaine IHS.

La PME montréalaise devra donc jouer des coudes pour se démarquer de ses concurrents aux États-Unis. Pour y arriver, elle mise sur sa chaîne de production, dont elle contrôle toutes les étapes, de la conception à la production en passant par la peinture et la pose du revêtement métallique sur ses composants de train d'atterrissage.

«La plupart de nos concurrents [des PME américaines et, pour certains contrats, la québécoise Héroux-Devtek] ne contrôlent pas toutes ces étapes. Cela nous permet de faire des produits de qualité, livrés dans les délais requis», estime Guillermo Alonso.

LES RISQUES D'ALTA PRÉCISION

Risque politique

La concrétisation de ce risque - le gouvernement américain réduisant massivement ses importations de matériel militaire pour acheter davantage auprès des fournisseurs aux États-Unis - serait catastrophique pour Alta Précision. Le fabricant de composants de trains d'atterrissage perdrait d'importants contrats auprès de l'armée américaine. Le projet d'Alta Précision de s'implanter aux États-Unis dans les 12 à 18 prochains mois réduirait ce risque, aussi peu probable soit-il, selon le président de l'entreprise, Guillermo Alonso fils.

Risque économique

Dans l'aérospatiale commerciale, Alta Précision court aussi le risque que les principaux donneurs d'ordre, comme Boeing et Airbus, réduisent leurs achats en raison d'une récession. Au fil des ans, Alta Précision a diminué ce risque en se diversifiant dans le secteur militaire (50 % de ses revenus totaux), un secteur cyclique, mais plus prévisible que l'aérospatiale commerciale. Après la guerre froide, les dépenses militaires ont diminué aux États-Unis, mais elles ont explosé dans les années 2000 en raison des guerres en Iraq et en Afghanistan. Elles fondront de nouveau dans les années 2010, cette fois en raison de l'endettement des États-Unis.

Risque de concurrence

Un jour ou l'autre, Alta Précision devra affronter un nouveau concurrent venant d'un pays où les coûts de main-d'oeuvre sont faibles. «Il sera sans doute chinois», confie Guillermo Alonso. Pas question de transférer lui-même sa production dans un pays émergent pour rester concurrentiel : la PME est trop petite pour justifier pareil investissement. C'est pourquoi son patron mise sur la qualité et l'innovation pour rester dans la course. «Nous investissons 5 % de nos revenus en R-D.»

487 G$ US Réduction des dépenses militaires aux États-Unis au cours des 10 prochaines années. Elles s'élevaient à 708,2 G$ US en 2011. Sources : Credit Suisse et IHS

L'ÉQUILIBRE ENTRE LES ACTIVITÉS MILITAIRES ET COMMERCIALES

Répartition sectorielle des revenus en 2011

50 % Aérospatiale commerciale

50 % Aérospatiale militaire

78 Nombre d'employés

10 à 25 millions de $ Chiffre d'affaires d'Alta Précision en 2011

2 usines à Montréal, dont une petite usine de placage

LA PME RÉALISE LA MOITIÉ DE SES VENTES AUX ÉTATS-UNIS

Répartition géographique des revenus en 2011

Canada 30 %

États-Unis 50 %

Autres (dont l'Europe) 20 %

Sources : Alta Précision, ICRIQ

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.

Sur le Web, Les Affaires s'associe à L'actualité, Canadian Business, The Report on Business, The Economist Intelligence Unit et à la banque HSBC pour offrir un site axé sur les exportations. À lire sur affairessansfrontieres.ca.

françois.normand@tc.tc

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