La sieste au travail une idée vivifiante

Publié le 01/12/2009 à 00:00

La sieste au travail une idée vivifiante

Publié le 01/12/2009 à 00:00

Faire une petite sieste au milieu de la journée pourrait accroître votre performance au travail. À quand la salle de repos en entreprise ?

Une fois son lunch terminé, ne cherchez plus Stéphanie Duguay. Vous risqueriez de la retrouver étendue de tout son long... sous son bureau ! Dans un rituel presque quotidien, cette biologiste en environnement et en flore dans une firme d'ingénierie déplace sa chaise et son ordinateur, déroule son tapis de sol, prend sa couverture et son lecteur mp3, et s'allonge pour un repos d'une vingtaine de minutes. Elle s'en relève revivifiée. " La sieste me permet de décrocher à l'heure du midi et de vraiment me reposer. Ensuite, je suis beaucoup plus en forme et généralement, je ne sens pas de baisse d'énergie en après-midi. "

Cette inconditionnelle de la sieste fait pour l'instant partie d'un groupe restreint. En effet, parler de sieste au travail fait presque à coup sûr naître un sourire chez son interlocuteur. Et pourtant, certaines données scientifiques devraient plutôt nous convaincre d'aborder la question avec, disons, un peu plus de sérieux. D'une part, des tests en laboratoire ont montré l'influence bénéfique de la sieste sur la vigilance et sur la performance. D'autre part, il est tout à fait normal de ressentir de la somnolence en mi-journée, moment où la sieste est le plus profitable. Or, si cette prati-que peut permettre d'accroî-tre l'efficacité des travailleurs, qu'attendent les gestionnaires d'entreprise pour s'aventurer sur ce terrain ?

Le préjugé qui lie sieste et paresse reste tenace dans le contexte nord-américain, constate Denis Morin, professeur en gestion des ressources humaines à l'UQAM et adepte lui-même d'un petit somme à l'occasion. " Selon notre perception du travail, nous devons être productifs à 100 % pendant la journée. En réalité, ce n'est pas toujours le cas ", rappelle-t-il. " On travaille sans cesse, on ne prend pas de pause, on mange à notre bureau ", enchaîne son collègue Alain Gosselin, professeur à HEC Montréal. Bien que la sieste lui paraisse une idée pertinente d'un point de vue physiologique, il en va tout autrement sur le plan culturel : " Je pense que je ferais rire de moi si je proposais une telle initiative. Cela ne concorde pas avec la culture du temps axée sur la performance et le résultat ".

De la même façon, la place qu'on accorde au sommeil dans les sociétés modernes ne contribue guère à combattre le préjugé. Bien au contraire. "Nous vivons dans un état de privation chronique de sommeil", soutient Diane Boivin, médecin-chercheur et directrice du Centre d'étude et de traitement des rythmes circadiens à l'Hôpital Douglas. "On sabre fréquemment les heures de sommeil en période de travail et on récupère la fin de semaine, quand la situation le permet. Parfois, le contexte familial rend la récupération plus difficile. Dans ces conditions, la sieste au travail peut être bénéfique." Cette spécialiste des troubles du sommeil souligne par ailleurs qu'un employé qui travaille en combattant la fatigue est moins performant et moins créatif, mais aussi que ses facultés sont affaiblies, avec tous les risques potentiels que cela comporte sur le plan de la sécurité.

Dormir, oui, mais où ?

Kirsten Humbert, assistante de recherche de Diane Boivin à l'Hôpital Douglas, se souvient très bien de l'époque où elle avait la sieste en horreur. " Quand j'étais petite, mes parents se reposaient trente minutes l'après-midi et m'obligeaient à faire la sieste. Je détestais cela. " Aujourd'hui, cette jeune femme ne se fait pas prier pour profiter des bienfaits de la sieste. Elle le fait, non pas pour récupérer de la fatigue, mais pour mieux travailler. " Lorsque je fais de la recherche, je me bute à plusieurs obstacles, alors la sieste me permet de me calmer et de penser plus clairement. C'est un peu comme la méditation. " Il faut dire que Kirsten Humbert dispose de conditions de rêve : une superviseure vendue à l'idée, un bureau fermé, un parc à proximité où elle installe son hamac pendant la saison chaude, et même une chambre avec un lit où elle peut dormir en dehors des périodes d'expérimentation. Que demander de plus ?

Pour bien des employés contraints à travailler dans un environnement à aire ouverte, s'offrir une simple sieste peut devenir beaucoup plus compliqué. C'est le cas de la biologiste Stéphanie Duguay, qui occupe un bureau à cloisons. Elle a beau jouir d'un peu d'intimité, ce qui lui évite d'être au vu et au su de tous, une certaine dose d'audace est tout de même nécessaire. En outre, si plusieurs de ses collègues venaient à l'imiter, la direction verrait probablement d'un mauvais oeil tous ces pieds qui dépassent çà et là, de sous les bureaux. Dans ce contexte, l'aménagement d'une salle de repos devient incontournable, conclut Denis Morin. " Pour prouver qu'il appuie cette démarche, l'employeur doit réserver un espace à cette fin, de concert avec les employés et le syndicat, tout en gardant en tête qu'une telle salle ne doit pas nuire aux activités quotidiennes de l'organisation. "

Par ailleurs, il n'est pas essentiel de dormir pour profiter d'une sieste, indique Roger Godbout, chercheur en neuroscience du comportement à l'Hôpital Rivière-des-Prairies et professeur de psychiatrie à l'Université de Montréal. Il cite en exemple les pays méditerranéens où l'on pratique la sieste. " En fait, les gens ne dorment pas nécessairement. Ils se retirent et font des activités relaxantes, explique-t-il. Ainsi, le simple fait de se détendre ou de s'occuper à autre chose pour décrocher peut faire du bien psychologiquement et physiologiquement. " Dans cette optique, Alain Gosselin suggère de percevoir les pauses d'une autre manière. " Quand on y pense du point de vue horaire, on se dit qu'on a peu de temps pour cela, mais quand on y pense du point de vue d'une meilleure gestion de l'énergie, cela devient plus logique. On peut alors tout imaginer. "

Si Alain Gosselin doute néanmoins que la sieste en entreprise soit vouée à un brillant avenir, Denis Morin est très optimiste. " La sieste sera une pratique courante de bien-être au travail d'ici quinze ans, croit-il. Les employeurs n'auront pas d'autre choix que de s'adapter. Ils devront permettre la sieste, étant donné la baisse des facultés physiologiques d'une main-d'oeuvre vieillissante et la montée des exigences de performance due à la pénurie de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs. " Le jour approche où les employeurs prendront conscience des bénéfices de la sieste au travail, estime Denis Morin. Ainsi, quand la fourmi s'inspirera un tant soit peu de la cigale, la sieste ne sera plus affaire de paresseux. Êtes-vous prêt à vous attaquer à ce préjugé ?

LA SIESTE EST-ELLE POUR VOUS ?

La sieste dite naturelle, spontanée ou de confort ne devrait pas durer beaucoup plus longtemps qu'une vingtaine de minutes, vous risquez sinon de vous endormir moins facilement le soir venu. Elle est toutefois à proscrire pour les gens qui souffrent d'insomnie chronique. Si ce n'est pas votre cas, piquer un petit somme après le lunch vous sera-t-il automatiquement bénéfique ? En fait, cela dépend de chaque individu. Pour le savoir, il faut donc oser !

DES SIÈGES FUTURISTES POUR UN DODO BIEN RÉEL

À New York, au 22e étage de l'Empire State Building, l'entreprise américaine MetroNaps offre une salle équipée de l'EnergyPod, un fauteuil recouvert d'une coquille et qui offre calme, confort et intimité. Le tarif pour une sieste de 20 minutes : 14 $ US.

POURQUOI LE FAMEUX COUP DE BARRE ?

Vous avez du mal à vous concentrer, vos paupières sont lourdes et vous ne voulez qu'une chose : dormir ! Vous n'êtes pas seul. La fatigue ressentie en début d'après-midi est un phénomène naturel chez l'être humain, régi par sa propre horloge biologique.

LA SALLE DE REPOS DÉMYSTIFIÉE

Fauteuils confortables à dossier inclinable, lumières tamisées, chaîne stéréo accompagnée d'une variété de CD... Vous en rêvez ? Qu'on la nomme salle de relaxation, de détente, de repos ou de sommeil, une pièce aménagée pour la sieste devrait s'inscrire à l'intérieur d'une démarche plus vaste de santé au travail, dit Alain Gosselin, professeur en gestion des ressources humaines à HEC Montréal. " Cela pourrait faire partie d'un ensemble de moyens destinés à maintenir un certain degré d'énergie ou de santé chez les employés. C'est plus porteur qu'une simple salle de sieste prise isolément. " Même son de cloche, ou presque, chez Denis Morin, professeur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, qui parle plutôt d'une " démarche de bien-être au travail ". Une condition préalable : l'employeur doit vraiment croire à cette approche, sinon, cela ne donnera rien.

aplus@transcontinental.ca

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