L'entreprise ne « possède » pas ses employés

Publié le 03/02/2012 à 00:00, mis à jour le 02/02/2012 à 15:29

L'entreprise ne « possède » pas ses employés

Publié le 03/02/2012 à 00:00, mis à jour le 02/02/2012 à 15:29

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Lucie Morin, professeure au Département d’organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM.

Une entrevue réalisée par Steve Proulx

Pourquoi étudier les facteurs d’attraction et de rétention des employés ?

Dans plusieurs domaines, la croissance des organisations est limitée par la difficulté qu’elles éprouvent à trouver du personnel qualifié. Elles ont un problème d’attraction. C’est un enjeu qui est un peu plus manifeste au Canada qu’aux États-Unis ou en Europe à cause de notre situation économique et de notre démographie. Le problème de la rétention existe aussi dans certains secteurs d’activité. Par exemple, une entreprise montréalaise qui œuvre dans une industrie comme celle des jeux vidéo n’aura pas de mal à attirer des spécialistes, mais puisque la concurrence est vive, elle pourrait avoir des difficultés à les retenir. Cela dit, certaines entre¬prises souffrent à la fois d’un problème d’attraction et d’un problème de rétention. Voilà pourquoi ces deux enjeux sont souvent liés.###

En amont de ces enjeux, il y aurait selon vous une mauvaise conception de la notion de « capital humain »...

On sait qu’une entreprise détient plusieurs formes de capitaux : les technologies, l’argent, les équipements, les infrastructures, les procédés... Ce sont des choses qu’elle a produites, qu’elle possède. Puis, il y a le capital humain. À la différence des autres capitaux, c’est le seul capital qu’une entreprise ne peut pas « posséder ». Parce qu’on ne possède pas des employés. Ils sont, en quelque sorte, comme les agents libres de la Ligue nationale de hockey. Ils peuvent changer d’équipe à tout moment. Or, la mentalité dans plusieurs entreprises se traduit ainsi : « Ce sont nos ressources humaines, nous pouvons en faire ce que nous voulons. » Elles ont un sentiment de propriété face à leurs employés.

Cette attitude est-elle répandue ?

La perception de la valeur du capital humain a augmenté au cours des dernières années au sein des organisations. Toutes les entreprises aiment dire que leurs employés représentent leur plus grande richesse. Malheureusement, je ne connais pas beaucoup de CA qui recon¬naissent que leur capital humain ne leur appartient pas. C’est le modèle de représentation mentale dominant.

Quelle nouvelle mentalité l’entreprise devrait-elle adopter ?

Il faudrait sans doute considérer ses em¬ployés comme des « partenaires internes ». Après tout, ce sont des êtres humains qui décident de former un partenariat à long terme avec l’entreprise, selon certaines conditions. Déjà, en pensant de cette façon, l’entreprise change son modèle de représentation mentale. Peut-être, alors, aura-t-elle plus de respect et de reconnaissance envers ses employés.

C’est important, le respect ?

Nous avons sondé 700 employés dans deux entreprises et nous leur avons demandé d’indiquer le degré d’importance qu’ils accordaient à 68 facteurs concernant un employeur potentiel. Ce qui en est ressorti, c’est qu’ils valorisent trois facteurs principaux : le respect, la reconnaissance et les bonnes relations. Je les appelle « les 3 R ».

Qu’en est-il de la rémunération ?

Ce n’est pas un facteur prépondérant. Bien sûr, un candidat n’acceptera pas un emploi si l’entreprise ne lui offre pas un minimum acceptable. Mais une fois ce minimum atteint, le salaire n’est plus un facteur d’attraction important.

Une fois qu’on a attiré l’employé clé... comment le garder ?

Le soutien du superviseur est un facteur déterminant. Il est directement lié aux facteurs d’attraction (les 3 R). Car, en grande partie, la reconnaissance, le respect et les bonnes relations sont perçus dans l’organisation à travers le soutien du supérieur immédiat. Il est le porte-parole de l’organisation auprès de l’employé.

Comment une entreprise peut-elle intégrer les 3 R sur le terrain ?

Les actions doivent venir de la tête et de la base. À la tête de l’entreprise, il faudrait qu’on retrouve minimalement au sein du CA (ou de l’équipe de direction) un responsable des ressources humaines qui ait le bon modèle de représentation mentale. Entendons-nous : pas le responsable de la paie... mais quelqu’un qui soit en mesure de discuter des moyens à prendre pour valoriser le capital humain de l’entreprise. Ensuite, à la base de l’organisation, il faut des superviseurs qui possèdent aussi le bon modèle de représentation mentale. À mon avis, la première qualité du dirigeant d’un service est l’humilité. Plusieurs patrons croient devoir prouver qu’ils sont bons. C’est une erreur. Ils doivent surtout être capables de donner la parole à leurs employés, de faire ressortir ce qu’ils ont de meilleur.

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