Le scientifique qui mise sur les épinards

Publié le 08/05/2010 à 00:00

Le scientifique qui mise sur les épinards

Publié le 08/05/2010 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Des projets en biotechnologie, André Boulet en a vu passer des centaines au cours de sa carrière au fonds d'investissement BioCapital. Il a accompagné une vingtaine d'entreprises, dont 13 sont entrées à la Bourse. À sa connaissance, seulement une d'entre elles a fermé ses portes.

Un bon ratio, juge-t-il. Sauf qu'il s'agissait de l'argent des autres. Aujourd'hui, c'est sa propre tête qu'André Boulet met sur le billot. À 51 ans, ce scientifique, devenu capital-risqueur, met toutes ses énergies (et une bonne partie de ses épargnes) sur PurGenesis, une pionnière en médecine botanique. " Un domaine pour lequel Wall Street a un grand intérêt, dit-il. Et qui est encore vierge au Canada. "

André Boulet a récupéré PurGenesis d'une faillite probable - elle s'appelait PureCell - et, en compagnie de son fondateur, Marc Purcell, il l'a restructurée.

PurGenesis fabrique des complexes moléculaires actifs extraits d'épinards, aux propriétés anti-inflammatoires. M. Boulet souhaite qu'on utilise un jour ce complexe dans la fabrication de nouveaux médicaments contre le psoriasis, la colite ulcéreuse, l'arthrite rhumatoïde, les maladies cardio-vasculaires et l'asthme.

Les études cliniques de phase 1, que M. Boulet a fait réaliser en Allemagne, une juridiction plus avancée en médecine botanique, ont été concluantes. Les phases 2A [sur un petit nombre de patients] pour la collite ulcéreuse ont commencé. Elles seront suivies, en juin, par des études de phase 2A chez les patients atteints de psoriasis.

D'ici la fin de 2011, si tout va comme prévu, PurGenesis devrait entreprendre les négociations en vue de conclure une alliance stratégique avec une pharmaceutique pour la fabrication et la vente de ces médicaments. En attendant, pour générer des revenus, PurGenesis fabrique des crèmes anti-âge et des écrans solaires à partir d'un dérivé du même extrait. Elle est en pourparlers avec des fabricants de produits cosmétiques en vue de la mise en marché à l'international d'ici la fin de l'année.

Les moyens de ses ambitions

" Quand j'ai présenté mon projet au Québec, en 2004, on m'a traité d'illuminé ! se souvient André Boulet. Les gens me disaient '' André, tu vieillis ! '' ou bien '' Tu ne réussiras pas à trouver d'argent pour ça. ''

Aujourd'hui, les choses ont bien changé. La FDA (Federal Drug Administration) reconnaît la médecine botanique (elle a autorisé la vente d'un premier médicament), et M. Boulet a réussi à amasser des millions. Durant la restructuration de l'entreprise, 2,6 millions de dollars (M$) ont été recueillis dans son réseau d'anges financiers, puis 2,5 M$ de plus du même réseau et, finalement, 12,5 M$ d'un fonds d'investissement appartenant à Eugene Melnyk, ex-président fondateur de Biovail Canada et propriétaire des Sénateurs d'Ottawa. " J'étais sur le point de signer avec des Européens, des Canadiens et des Japonais lorsque l'offre de M. Melnyk est arrivée. Je l'ai choisie parce que nous serons moins nombreux autour de la table. De cette façon, c'est plus facile de se fixer des buts communs ", dit cet expert des financements. De plus, M. Boulet a reçu plus de 8 M$ de fonds publics pour construire l'usine qui fabriquera le complexe. C'est un investissement de 12,5 M$ qui créera 80 emplois à Montmagny, sa ville natale.

Un homme de science

André Boulet est d'abord un homme de science. Il est titulaire d'un doctorat en physiologie et en endocrinologie, d'un post-doc en biochimie et biophysique et a publié plus de 75 articles. Sa carrière dans l'industrie pharmaceutique a été diversifiée : recherche fondamentale en laboratoire, direction d'essais cliniques (sur le médicament Cardizem) et pharmaco-économie, une discipline qui consiste à démontrer aux gouvernements la valeur ajoutée des médicaments.

Serge Leclerc, président du fonds d'investissement privé Sipar, a confiance en PurGenesis. " Il est un des rares esprits scientifiques qui connaisse bien les risques et périls liés au cheminement des autorisations, dans une industrie où un seul faux pas peut tout faire échouer. De plus, il n'a pas peur de défoncer les portes et il fait preuve de créativité pour faire aboutir les choses. "

Chez BioCapital, il a réussi à attirer au Québec une société américaine de l'armée et de la NASA . " J'ai dû obtenir leur autorisation, je me suis rendu là-bas et je l'ai eue. " La transaction qui a mené Intellivax, un fabricant de vaccins, au Québec a été également une innovation au plan fiscal. L'entreprise a fusionné avec ID Biomédical avant d'être vendue à Glaxo Smith Kline pour 1,7 milliard.

" Pour innover, il faut que vous vous disiez que tout est possible. C'est l'être humain qui se met lui-même des barrières, dit André Boulet. Au cours de ma carrière, j'ai appris une chose : il n'y a pas d'idées stupides, il n'y a que des technologies mal orientées ou mal gérées. "

Pas facile, les relations entre scientifiques et financiers

" Le chercheur-fondateur d'une entreprise, passe des années à travailler seul dans son laboratoire, avec une équipe restreinte qu'il contrôle à 100 %. [...] Lorsque les financiers arrivent, ils mettent un cadre et fixent des objectifs. Cela provoque des tensions et parfois, des ruptures ", dit André Boulet.

Il parle en connaissance de cause. Il se souvient d'avoir vécu cette situation à quatre reprises durant son passage chez BioCapital. Et cela vient d'arriver chez PurGenesis. La rupture avec Marc Purcell, qui remonte à la fin de 2009, est encore douloureuse pour les deux parties. Un changement à la direction de l'entreprise en 2007 - alors que M. Boulet a succédé à M. Purcell - n'a pas permis de régler les différends. " Marc était un génie, un ami... ", dira André Boulet.

Joint par Les Affaires, M. Purcell s'est contenté de déclarer que " ce fut douloureux. " Tous deux sont liés par une entente de confidentialité. M. Purcell vient de lancer une autre entreprise, et André Boulet, de son côté, réfléchit à un modèle qui permettrait de gard er le chercheur dans l'entreprise. " Si l'entreprise génère de bons revenus, c'est moins un problème : vous gardez votre chercheur qui bouillonne d'idées, vous lui allouez un budget et il décide ce sur quoi il veut miser. Mais quand vous êtes obligez de demander à un grand cerveau de se limiter, il devient malheureux et vous risquez de tuer l'innovation. "

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