L'harmonie tient à peu de clauses


Édition du 07 Mars 2015

L'harmonie tient à peu de clauses


Édition du 07 Mars 2015

Des milliers d'entreprises sont fondées chaque année au Québec. La majorité de leurs fondateurs signeront une entente des actionnaires lors du processus d'incorporation. Lors de la négociation de l'entente, les cofondateurs détermineront entre eux leur pourcentage d'actionnariat basé sur la valeur des actifs qu'ils fournissent à l'entreprise (capital, idée, expertise, réseau, propriété intellectuelle, clients.).

Dans la frénésie des débuts, il est cependant facile pour un entrepreneur d'oublier une clause juridique très importante qui pourrait lui créer des cauchemars dans les années à suivre.

Quelle est cette clause ? Il s'agit d'une clause qui restreint le versement des actions à une période d'octroi sur plusieurs années (vesting restrictions, ou restrictions en matière d'acquisitions). En bref, cette clause évite que l'un des cofondateurs quitte l'entreprise tout en conservant son actionnariat.

Prenons par exemple trois cofondateurs qui démarrent l'entreprise ABC inc. en février 2015, à participations égales, soit un tiers des parts par actionnaire. En octobre 2015, moins d'une année après la fondation, Marc, l'un des cofondateurs, signale à ses deux collègues son intention de partir au chaud en Thaïlande pendant au moins six mois pour éviter un autre hiver québécois frigorifique. Il ajoute qu'il veut profiter de son voyage et qu'il ne sera pas en mesure de contribuer à l'entreprise pendant son absence !

Les deux autres cofondateurs sont dévastés. Ils comptaient sur l'expérience et l'effort de Marc pour les aider à démarrer l'entreprise. Du jour au lendemain, leur entreprise a un moteur de moins et son risque de panne est augmenté. Cependant, étant donné qu'une clause de restriction n'a pas été prévue au moment de la signature de l'entente des actionnaires, Marc sera désormais étendu sur un hamac au bord d'une plage thaïlandaise, tout en détenant légalement un tiers des parts d'ABC inc. Ainsi, malgré le fait qu'il aura seulement travaillé environ six mois chez ABC inc., Marc sera propriétaire du tiers des profits du travail futur de ses deux autres cofondateurs qui, eux, continueront de travailler à temps plein dans l'entreprise.

Cette situation problématique peut se produire pour divers motifs. En fait, Marc aurait pu annoncer son départ afin de rejoindre Google en Californie. Marc aurait aussi pu décider de laisser ABC inc. à cause de conflits interpersonnels avec les autres cofondateurs, une situation très courante dans les entreprises en démarrage. Dans tous ces cas, Marc aurait perdu son salaire, mais gardé son actionnariat dans l'entreprise.

Pourquoi cette clause est-elle vraiment si critique ? Elle est capitale, car le départ d'un fondateur peut priver l'entreprise d'une partie importante de son capital-actions. Selon Adam Saskin, associé chez Spiegel Sohmer et expert en droit des affaires qui travaille souvent avec des entreprises en démarrage, cette clause de versement étalé «aide à s'assurer que les fondateurs remplissent leurs obligations à l'égard de l'entreprise à long terme». De plus, ajoute-t-il, «le départ d'un cofondateur entraîne souvent le besoin de le remplacer, et une partie du capital-actions détenu par celui-ci sera souvent nécessaire pour lier le remplaçant».

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