Entrevue n°192: Noreena Hertz, économiste et professeure


Édition du 22 Février 2014

Entrevue n°192: Noreena Hertz, économiste et professeure


Édition du 22 Février 2014

Par Diane Bérard

D.B. - Parfois, on décide mieux quand on décide moins vite...

N.H. - Un bon pdg encourage les points de vue divergents. Il sait que ceux-ci enrichissent la discussion, qu'ils permettent de couvrir plusieurs angles. On court moins le risque de laisser des données importantes de côté. Cela rend la prise de décision plus difficile, mais on obtient un meilleur résultat.

D.B. - Votre livre Eyes Wide Open, nous met en garde contre les experts. Comment différencier un expert compétent d'un autre qui l'est moins ?

N.H. - Plus ils ont l'air confiant, moins ils tiennent leurs promesses...

D.B. - Plusieurs entreprises dépensent des fortunes en frais de consultation. Vous leur suggérez une autre approche. Laquelle ?

N.H. - Qu'elles exploitent davantage le savoir qui se trouve déjà dans leur organisation. Vos employés qui fabriquent vos produits, ceux qui sont en contact avec vos clients tous les jours, ce sont des mines d'information. Des sociétés comme Siemens, Google et Eli Lilly l'ont compris. Elles ont lancé des «Bourses de prévision» [prediction markets]. Elles formulent des questions sur l'intranet et laissent les employés se prononcer. «Quelles ventes tirerons-nous de ce nouveau produit ?» «Ouvrirons-nous le nouveau bureau chinois à temps ?» Très souvent, les réponses des employés s'avèrent plus exactes que les prévisions de l'entreprise.

D.B. - Les experts, comme les marques, visent la notoriété. Comment avez-vous gagné la vôtre ?

N.H. - C'est relativement simple. Depuis 15 ans, j'ai vu venir quelques tendances mondiales importantes, comme la crise financière et la complexification de la relation entre le gouvernement et la grande entreprise. On a commencé à dire que j'étais visionnaire.

D.B. - Un expert devient rapidement une marque. Comment gérez-vous la vôtre ?

N.H. - Je suis assez réaliste pour savoir que je n'aurai pas toujours raison. En fait, les probabilités que j'aie raison se réduisent, car le monde se révèle de plus en plus imprévisible. La technologie - la vitesse et la nature du changement qu'elle impose - bouleverse toutes les industries. Je me montre donc très prudente dans l'horizon de mes prévisions. Je l'ai réduit de 10 à 3 ans.

D.B. - On vous a reproché votre opportunisme, votre façon de changer d'opinion et vos sujets d'étude...

N.H. - Expert ne signifie pas infaillible. Changer d'opinion n'est pas opportuniste, c'est faire preuve d'honnêteté intellectuelle. Je ne suis attachée à aucune idéologie particulière ni à aucun point de vue. Je partage la philosophie de l'économiste John Maynard Keynes : lorsque les faits changent, je m'adapte. Si je découvre de nouvelles informations qui modifient mon opinion, je n'éprouve aucune difficulté à l'admettre publiquement.

D.B. - Vous recevez beaucoup d'attention, plus que de nombreux économistes masculins. Était-il plus facile de briller pour une femme ?

N.H. - Non. Une femme dans un monde d'hommes reçoit plus d'attention lorsqu'elle atteint le sommet. Mais il faut l'atteindre, ce fameux niveau.

D.B. - Comment avez-vous pris votre place dans cette profession masculine ?

N.H. - À 14 ans, j'ai quitté mon école de filles - où on se souciait plus de la calligraphie des élèves que de développer leur sens de la compétition. Je me suis inscrite dans une école qui comptait 60 filles et 600 gars. Lorsque j'ai rejoint le monde de la finance, de l'économie et de la politique, j'étais prête. Je savais comment les hommes pensent et agissent.

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