Le CRTC ordonne aux services de diffusion en ligne de contribuer au contenu canadien

Publié le 04/06/2024 à 10:04, mis à jour le 04/06/2024 à 18:49

Le CRTC ordonne aux services de diffusion en ligne de contribuer au contenu canadien

Publié le 04/06/2024 à 10:04, mis à jour le 04/06/2024 à 18:49

Par La Presse Canadienne

(Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) s’attend à recueillir 200 millions de dollars (M$) par année auprès des services de diffusion en continu étrangers tels que Netflix et Spotify, cagnotte qu’il promet de redistribuer «là où il y a un besoin immédiat» dans l’écosystème canadien.

Plus précisément, le CRTC a annoncé mardi que, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi C-11, il exigera de ceux qui sont communément appelés les «géants du numérique» un versement d’au moins 5% de leurs revenus réalisés au Canada.

Cette exigence «de base» sera en vigueur à compter de l’«année de radiodiffusion 2024-2025», soit du 1er septembre 2024 au 31 août 2025, et sera ensuite répétée annuellement.

Les contributions amassées seront redistribuées pour assurer la production de «nouvelles locales à la radio et à la télévision», peut-on lire dans la réglementation précisant la façon dont la réforme de la Loi sur la radiodiffusion s’applique.

Le CRTC promet aussi que la redistribution de l’argent ciblera «le contenu de langue française, le contenu autochtone et le contenu créé par et pour des groupes méritant l’équité, des communautés de langue officielle en situation minoritaire».

«Le Conseil est d’avis qu’il faut un soutien supplémentaire pour ces éléments du système de radiodiffusion qui ne seraient pas viables autrement», a-t-on écrit.

Le régulateur n’a pas fourni de liste des services de diffusion en continu qui seront responsables de payer une contribution à hauteur de 5% de leurs revenus canadiens. Il a toutefois précisé qu’il s’agira d’entreprises qui ne sont pas affiliées à un radiodiffuseur canadien, mais qui réalisent au pays des revenus d’au moins 25M$.

Les plus gros joueurs étrangers de la diffusion en continu de musique, de séries ainsi que de films tels que Disney, Netflix, Apple et Spotify seront donc vraisemblablement assujettis.

Le CRTC a choisi que les revenus provenant de services de livres audio, de baladodiffusion et de jeux vidéo soient exemptés. De même, les contenus générés par des utilisateurs de plateformes de réseaux sociaux sont explicitement exclus.

Services de diffusion en continu canadiens exemptés

Le CRTC estime qu’il «ne serait pas approprié» d’étendre l’exigence de contribution à des services de diffusion en continu établis au Canada, comme Tou.tv par exemple, puisque «les entreprises traditionnelles auxquelles elles sont affiliées» versent déjà des sommes au régulateur.

«En général, dans les secteurs de la télévision et de la distribution, les exigences de contributions imposées aux entreprises traditionnelles vont de 5% à 45% de leurs revenus annuels. Dans le secteur de la radio, les exigences vont de 0,5% à 4% de leurs revenus annuels», précise le CRTC.

Cette décision, que l’organisation dit prendre dans un souci d’«uniformiser les règles du jeu», s’inscrit en porte-à-faux de ce qu’ont fait valoir dans les derniers mois les services étrangers.

Le CRTC rappelle dans les documents qu’il a rendus publics mardi que ces acteurs «ont soutenu qu’il serait inéquitable et discriminatoire d’imposer des exigences de contributions de base uniquement aux entreprises en ligne étrangères».

«La plupart des services en ligne se sont opposés à l’allocation des contributions de base à des fonds, exprimant une préférence pour les dépenses directes en production ou d’autres formes de contributions», précise le CRTC.

Cette revendication a notamment été portée par la section canadienne de l’Association cinématographique (MPA-Canada), qui représente au pays des grands producteurs et distributeurs de films et de séries tels que Disney, Paramount, Netflix et Universal.

L’association en question n’a pas tardé mardi à exprimer sa déception. «La décision discriminatoire […] va compliquer la tâche des diffuseurs internationaux qui souhaitent collaborer directement avec les créateurs canadiens et investir dans des histoires de premier ordre réalisées au Canada pour les publics d’ici et du monde entier», a soutenu la présidente de MPA-Canada, Wendy Noss.

À l’inverse, les premières réactions de radiodiffuseurs établis au Canada et d’organisations sympathiques à leurs intérêts donnaient dans le registre de la réjouissance. La plupart d’entre eux plaident depuis des mois qu’il aurait été «injuste que le Conseil (leur) impose des exigences de contributions de base» s’ils offrent de la diffusion en continu au niveau canadien, rappelle également le CRTC en leur donnant raison.

«Ils ont soutenu qu’une telle mesure prise maintenant aggraverait les défis financiers auxquels les radiodiffuseurs canadiens sont confrontés et accentuerait leurs désavantages concurrentiels», relève le régulateur.

Cette position était notamment défendue par l’Association canadienne de radiodiffuseurs (ACR), dont le président, Kevin Desjardins, a applaudi, par le biais d’une déclaration écrite, la nouvelle de mardi.

«Les contributions que le Conseil a décidé que ces services (étrangers) doivent faire permettent de commencer à rééquilibrer les obligations parmi tous les joueurs qui bénéficient de leur accès aux auditoires et aux annonceurs canadiens», a-t-il déclaré.

Dans la même veine, le groupe Les Amis des médias canadiens a affirmé que «la décision prise […] par le CRTC marque la fin de (l’) impunité» dont bénéficiaient, selon l’organisation, les géants du numérique.

Son de cloche similaire du côté d’Arsenal Media, qui possède des stations de radio régionales au Québec. «La décision du CRTC marque un pas significatif pour tenter de mettre en place des règles de jeu équitables», a réagi le président et chef de la direction de l’entreprise, Sylvain Chamberland, en mentionnant les coûts de production de contenus régionaux et «la grandeur des territoires à couvrir».

Bien que le CRTC n’ait pas étendu les exigences qu’il impose aux entreprises étrangères aux radiodiffuseurs traditionnels canadiens effectuant de la diffusion en continu, le régulateur a signalé que les «contributions (…) seront peaufinées à mesure que le Conseil va de l’avant dans sa mise en œuvre de la Loi sur la radiodiffusion modifiée».

Une «certaine souplesse», dit le CRTC

Le montant annuel estimé à 200M$ est «plutôt substantiel» et représentera de «bons investissements», a déclaré la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, en mêlée de presse. Elle s’est donc réjouie des suites qui sont données à C-11, dossier qu’elle a chapeauté lorsque l’initiative était au stade de projet de loi.

«Ça va tout à fait dans ce sens de la loi, c’est-à-dire de créer un système qui est équitable, qui permet au Québec, au Canada, d’avoir les moyens de sa production, de s’assurer aussi que ceux qui bénéficient du contenu participent à la création de contenu», a-t-elle dit.

Le CRTC a choisi de redistribuer l’argent qu’il amassera à travers des canaux préexistants, comme le Fonds des médias du Canada (FMC) et le Fonds canadien de la radio communautaire.

La plus grande part de la contribution demandée aux entreprises étrangères — équivalant à 5% de leurs revenus annuels canadiens — devra être versée, dans le cas de diffusion vidéo, au FMC, soit 2%.

Disant vouloir faire preuve d’une «certaine souplesse» envers les géants du numérique, le CRTC leur donne la possibilité de déduire 1,5% de ce 2% s’ils investissent directement dans des productions canadiennes tant en français qu’en anglais.

Pour que cet «incitatif» soit appliqué, le CRTC demande qu’au maximum 40% de ces investissements soient alloués à du contenu francophone et, au plus, 60% à des productions anglophones. Si seule la langue de Shakespeare est mise à profit, la déduction ne pourrait dépasser 0,9%.

Les représentants du régulateur ont insisté sur le fait que d’autres décisions sont à venir quant à C-11, comme celles ayant trait à la mise en valeur — ou «découvrabilité» — du contenu canadien dans l’écosystème mondial.

 

Émilie Bergeron

 

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