Comment contrôler adéquatement les comportements antirendement

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Octobre 2021

Comment contrôler adéquatement les comportements antirendement

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Édition du 13 Octobre 2021

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. En gestion de placements, on ne possède qu’un nombre limité de leviers de performance. La majorité des variables qui propulsent les portefeuilles (performances de la Bourse en général et des actions individuelles en particulier, évolution des taux d’intérêt et de l’inflation, politique monétaire, etc.) sont imprévisibles sur de courtes et moyennes périodes.

Parce que la Bourse enfile souvent de belles séquences gagnantes, on acquiert parfois un faux sentiment de contrôle, qui s’envole en fumée lorsque le marché baissier survient. Cela explique le désarroi de nombreux investisseurs lors des tourmentes boursières.

Il est toutefois une variable que les investisseurs peuvent contrôler : leur comportement. En effet, les mauvaises décisions telles que négocier fréquemment, acheter des fonds après qu’ils se soient fortement appréciés et vendre dans la panique après les baisses du marché peuvent réduire les rendements des investisseurs.

Dans un récent rapport —  dont le titre  Mind the Gap 2021 évoque la voix automatisée du métro de Londres  —, la firme de recherche Morningstar offre son évaluation des manques à gagner encourus par les détenteurs de fonds communs aux États-Unis par faute de leurs comportements antirendement.

Le rapport analyse la différence entre le rendement produit par les fonds communs de placement et celui réellement obtenu par les investisseurs. Voici comment les analystes procèdent. Ils calculent tout d’abord le rendement de tous les fonds selon la méthode temporelle. Cette dernière, qui est la norme certifiée par l’institut CFA, calcule le rendement de façon totalement indépendante des entrées et des sorties de fonds, puisque les gestionnaires n’ont aucun contrôle sur ces dernières.

Ensuite, ils recalculent le rendement, cette fois avec la méthode pondérée selon le montant des actifs, qui est sensible aux entrées et sorties de fonds, lesquelles sont contrôlées par les investisseurs. Si les investisseurs parviennent à ajouter de la valeur par leurs décisions d’achat et de vente, l’écart sera positif. Si, par contre, les décisions soustraient de la valeur, l’écart sera négatif.

Or, selon le rapport, l’ensemble des fonds ont produit sur 10 ans un rendement annualisé de 9,4 %, mais les investisseurs n’auraient obtenu en fin de compte que 7,7 %, soit un manque à gagner net de 1,7 point de pourcentage. En d’autres termes, les investisseurs ont tendance à acheter et à vendre au mauvais moment, ce qui soustrait une partie importante du rendement.

Ce manque, ou écart, provient d’achats et de ventes inopportuns de parts de fonds qui ont coûté aux investisseurs près d’un sixième du rendement qu’ils auraient gagné s’ils avaient simplement acheté et conservé leurs titres.

 

Les pires manques à gagner

Selon eux, les catégories de fonds qui affichent les pires manques à gagner sont les fonds sectoriels et les fonds de stratégies alternatives, avec une sous-performance d’environ 4 points de pourcentage. Par contraste, la catégorie qui subit la perte la moins élevée est celle des fonds équilibrés de répartition d’actifs, avec une sous-performance de moins de 1 point de pourcentage. Les auteurs expliquent que ces derniers, à cause de leur diversification, sont généralement plus stables, ce qui réduit l’effet des émotions dans les décisions de placement.

Ils soulignent aussi que les fonds équilibrés de répartition d’actifs sont largement utilisés dans les comptes d’épargne-retraite offerts par les employeurs, dont les contributions sont basées sur un pourcentage du salaire, ce qui stabilise les mouvements de capitaux dans ces fonds et aide à réduire le manque à gagner. Les auteurs ont aussi analysé le manque à gagner des investisseurs en fonction de la volatilité des fonds. Dans la plupart des catégories, les fonds les moins volatils sont ceux où les investisseurs génèrent de meilleurs rendements. En effet, on s’attend à ce que les investisseurs soient moins portés à spéculer sur les fonds dont la cote fluctue peu.

Moins on négocie activement, mieux on capture les rendements. Les fonds équilibrés de répartition d’actifs constituent toutefois l’exception : les investisseurs ont mieux réussi avec les fonds les plus volatils qu’avec les moins volatils. Selon les auteurs, cela s’explique par le fait que les investisseurs qui choisissent les fonds équilibrés tolèrent mieux le risque et cèdent moins à la tentation de spéculer.

Un dernier résultat du rapport m’a fait sursauter : les fonds à gestion passive ont affiché un manque à gagner bien plus grand que les fonds à gestion active. Les auteurs affirment toutefois que cet écart s’explique par la popularité fulgurante des fonds gérés passivement aux États-Unis depuis plus de 10 ans. De grands apports de capitaux lors d’un marché haussier soutenu plombent à leur avis le rendement calculé selon la méthode pondérée par les actifs et, donc, le manque à gagner des investisseurs.

 

Quelques conseils

En définitive, on voit bien que la méthode utilisée pour mesurer l’effet des comportements n’est pas parfaite, car les apports et les retraits effectués par les investisseurs reflètent un amalgame de spéculations et de décisions rationnelles.

N’empêche, le rapport propose quelques conseils aux investisseurs pour maximiser leurs rendements et réduire le manque à gagner au minimum. Tout d’abord, les auteurs suggèrent de détenir un nombre restreint de fonds largement diversifiés. Ils conseillent également de privilégier la simplicité et d’éviter les fonds trop spécialisés tels que les fonds sectoriels et thématiques. Finalement, ils recommandent d’investir dans des fonds qui permettent d’automatiser autant que possible le processus de gestion. Pour les investisseurs canadiens, les FNB équilibrés de répartition d’actifs — tels que ceux offerts par BMO, iShares et Vanguard — en sont selon moi un bon exemple, puisqu’ils permettent de maintenir une répartition stratégique de l’actif stable dans le temps, sans que vous ayez à intervenir.

À propos de ce blogue

Raymond Kerzérho est directeur de la recherche avec PWL Capital et co-anime le balado Sujet Capital.

Raymond Kerzérho

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