Québec doit ouvrir le marché de la distribution d'électricité

Publié le 02/03/2023 à 08:00

Québec doit ouvrir le marché de la distribution d'électricité

Publié le 02/03/2023 à 08:00

"Ce n’est pas à un groupuscule d’élus, de fonctionnaires et d’employés d’Hydro-Québec de décider qui doit avoir du courant", affirme Pierre-Olivier Pineau. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Il n’y a pas beaucoup de secteurs où l’obligation de service est de mise. Aucun supermarché n’a d’obligation de commander assez de nourriture pour satisfaire l’appétit de ses clients. Si en éducation et en santé il y a de telles obligations (pour certaines choses, mais pas toutes), c’est parce que ce sont des services de base considérés comme essentiels. L’électricité est aussi un service de base essentiel… mais jusqu’à quel point?

Est-ce raisonnable qu’Hydro-Québec ait l’obligation de fournir de l’électricité pour tous les usages, alors que la consommation peut varier entre aussi peu que 4 000 kWh par an par personne dans le secteur résidentiel (au Saguenay-Lac-Saint-Jean) et 10 000 kWh (dans les Laurentides)?

Si l’on a plus de 2 000 pieds carrés à chauffer, un spa et des garages chauffés, peut-on encore parler de service essentiel?

Le projet de loi 2 du gouvernement (Loi visant notamment à plafonner le taux d’indexation des prix des tarifs domestiques de distribution d’Hydro-Québec et à accroître l’encadrement de l’obligation de distribuer de l’électricité), au-delà de la limite sur la hausse du prix de l’électricité pour les clients résidentiels, propose de mettre fin à l’obligation de service – mais pour les nouvelles demandes industrielles de 5 MW et plus.

Québec se donnerait alors le droit de décider, selon ses propres critères, quelles entreprises pourraient recevoir de l’électricité, et quelle autre n’y aurait pas droit.

La fin d’une telle obligation est non seulement bienvenue, mais nécessaire en regard de l’ampleur des nouvelles demandes.

Mais le gouvernement fait fausse route dans son approche. 

 

Contenir l’arbitraire et la politisation

Ce n’est pas à un groupuscule d’élus, de fonctionnaires et d’employés d’Hydro-Québec de décider qui doit avoir du courant.

Pas plus que quiconque ne devrait dicter s’il vaut mieux utiliser les électrons pour faire griller une tranche de pain ou pour éclairer une photo de famille.

Mais il y a lieu de permettre à Hydro-Québec de ne plus avoir à fournir une électricité illimitée.

S’il y a croissance des besoins, c’est à chaque consommateur de se prendre en main et de trouver la meilleure manière d’y répondre.

On peut y arriver en trouvant un procédé très peu énergivore, en produisant lui-même son énergie, par exemple avec des panneaux solaires, ou alors en faisant appel à un producteur d’électricité.

Il y en a des dizaines au Québec! Producteurs éoliens, de petite hydro, de grande hydro, de solaire, de biomasse… Si Hydro-Québec est évidemment le plus gros de la province, il est loin d’être le seul.

Il suffit de permettre à ces producteurs de vendre leur électricité directement à des clients, et le tour est joué.

C’est cette approche qui est utilisée dans plusieurs pays ayant ouvert leur secteur à la concurrence, pour justement enlever une partie de la responsabilité des approvisionnements des épaules du monopole.

Hydro-Québec a fort à faire avec la réfection de ses centrales, l’entretien et la modernisation de ses réseaux de transport et distribution – elle peut bien laisser d’autres producteurs et acheteurs se débrouiller entre eux pour obtenir l’énergie nécessaire.

Évidemment, si les lignes de transport sont utilisées, il faudra payer pour cela et planifier en conséquence.

C’est exactement ce qu’il se passe pour le gaz naturel: Énergir s’occupe des tuyaux pour rejoindre les clients, mais pas de produire et de vendre le gaz naturel aux clients commerciaux et industriels.

Personne, en fait, n’a l’obligation de fournir du gaz naturel aux clients commerciaux et industriels.

C’est à ces clients de trouver des vendeurs.

 

Deux avantages d’une ouverture du marché

Deux avantages importants découleraient d’une ouverture du marché de l’électricité pour les grands clients commerciaux et industriels.

  • Premièrement, on éviterait l’arbitraire dans le choix de ceux qui ont droit à l’électricité.
  • Deuxièmement, on permettrait à tous les producteurs d’électricité de pouvoir rejoindre des clients – favorisant ainsi les solutions innovatrices.

 

Le gouvernement ne se retirerait pas du secteur: les règles environnementales devraient toujours être respectées.

Comme actionnaire d’Hydro-Québec, le gouvernement pourrait aussi lui demander de fournir de l’énergie à certains clients, hors des tarifs réglementés, comme cela se fait déjà à l’exportation.

À terme, on pourrait penser à réformer la vente d’électricité résidentielle d’une manière un peu similair.

Au-delà d’un bloc de kWh individuel sous la responsabilité d’Hydro-Québec (par exemple 7 500 kWh, qui est environ ce qu’un québécois moyen consomme par année dans le secteur résidentiel), il faudrait trouver un contrat d’approvisionnement auprès d’un producteur d’électricité.

Le gouvernement du Québec est en voie de repenser le cadre réglementaire de l’électricité.

Autant le faire vraiment, en jetant des bases saines et ouvertes, qui permettront de bâtir pour longtemps.

À propos de ce blogue

Pierre-Olivier Pineau est professeur à HEC Montréal, où il est responsable de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Il cherche à contribuer à la transformation du secteur de l’énergie pour le mettre sur une trajectoire durable, qui allie prospérité, équité et respect des écosystèmes. Il a publié de nombreux articles universitaires et co-rédige chaque année l’État de l’énergie au Québec depuis 2015. Il vient de publier son premier livre, «L'équilibre énergétique».

Pierre-Olivier Pineau
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