Trouver le juste équilibre est impossible, en fait. Photo : DR.
BLOGUE. Une des dernières modes en matière de management, c’est ce qu’on appelle «la paie stratégique». De quoi s’agit-il? De l’art de verser des paies judicieuses à ses employés, que ce soit sous forme de salaires, de primes à la performance, de récompenses générales, etc. La subtilité consiste à verser juste ce qu’il faut - pour que les employés soient satisfaits, voire heureux au point de redoubler d’efforts à l’avenir -, et surtout pas trop.
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Mais voilà, cette mode a reçu du plomb dans l’aile, tiré par Jonathan Trevor, chercheur à la Judge Business School de l’University of Cambridge, en Grande-Bretagne. Car il ne s’agirait bel et bien que d’une mode, d’une toquade de spécialistes qui s’en seraient gargarisés jusqu’à ce que le Britannique réalise qu’elle ne valait pas grand chose…
Le pari de Jonathan Trevor était audacieux, de mon point de vue. Il a voulu vérifier ce que tout le monde répétait à longueur d’études et de papiers spécialisés en management, à savoir que les entreprises couronnées de succès étaient celles qui mettaient en pratique la paie stratégique. Son point de départ : doivent-elles leur succès vraiment à ça, ou bien à autre chose?
Il s’est donc penché sur les pratiques salariales de sept multinationales, la plus petite embauchant 35 000 employés et la plus grande, un peu moins de 200 000. Il a aussi mené quelque 150 entrevues avec des gestionnaires, et ce sur une durée de 18 mois. Enfin, il a été autorisé à observer comment cela se passait à l’interne (l’opinion des hauts dirigeants, les réunions des ressources humaines, etc.).
Un point lui a sauté aux yeux : les systèmes mis en place se ressemblent énormément. «Pas étonnant, tout le monde agit de la même manière, car c’est la norme. Par exemple, les bonus, on ne peut pas faire autrement que d’en verser, même si, peut-être, ça ne changerait pas grand chose si on n’en versait pas. Il faut suivre la tendance. Pas le choix», lui a d’ailleurs confié un dirigeant d’une firme spécialisée dans le tabac.
Autre constat frappant : tous les hauts dirigeants sont convaincus que leur politique de paie est efficace, même s’ils n’ont aucun argument sérieux pour appuyer leur dire. Ceux-ci sont persuadés qu’il s’agit même de l’une de leurs grandes forces pour rivaliser avec leurs concurrents.
Jonathan Trevor s’est alors posé une question : font-ils vraiment ce qu’ils disent qu’ils font? Et là, premier problème…