Un plaisir culinaire devenu rare en Finlande. Photo : DR.
HELSINKI – Incroyable! Une simple anecdote m'a permis de découvrir une histoire vraiment étonnante. Voilà, quand je suis en voyage, l'une des choses que j'aime le plus faire, c'est les courses. Oui, les courses à l'épicerie. Pourquoi? Parce que ça me permet de comprendre ce que les gens aiment cuisiner et manger. Et aussi parce que ça me donne une idée du niveau de vie.
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Hier, j'étais donc à l'épicerie Alepa voisine de mon logement quand j'ai eu une fringale d'œufs : je rêvais d'une bonne omelette garnie et m'en pourléchais déjà les babines. Le hic? Les étagères dédiées aux œufs étaient entièrement vides. Dommage.
Mais bon, j'avais vraiment envie d'une omelette. Je suis allé à un autre Alepa (il y en a plein dans le quartier), où – coup de chance! – une boîte de six œufs trônait sur l'une des étagères. Une seule boîte, et elle était pour moi. Je l'ai prise, bien sûr, et j'ai arrêté un vieux monsieur en marchette pour lui demander de me traduire ce qui était inscrit sur l'affichette collée là. Il m'a dit : «Ben, il y a pénurie. Ils s'excusent. Ils savent pas quand il y en aura d'autres».
Une pénurie d'œufs? Comment est-ce possible? Les poules se sont-elles mises en grève pour protester contre leurs conditions d'élevage? Ne veulent-elles plus de cages pour réclamer, à la place, des cours et des champs verdoyants?
Eh bien, tenez-vous bien, mes pensées sarcastiques n'étaient pas loin de la vérité. Une nouvelle réglementation européenne est entrée en vigueur au début de 2012, imposant aux éleveurs d'utiliser des cages plus «confortables» pour les poules pondeuses. L'ennui, c'est que de tels changements ont entraîné des coûts énormes pour les éleveurs, si bien qu'une grande partie d'entre eux, en Finlande, se sont retrouvés sur la paille. Ceux-ci ont tout bonnement préféré arrêter la production. (Pauvres poules! Bruxelles voulait bien faire en améliorant leur sort, et au lieu de ça elles se sont retrouvées au four...)
Du coup, la chute de production a été brutale. Au tout début de l'année, ça a été de 10%, et la situation n'a fait que se détériorer depuis, d'après le syndicat agricole finlandais MTK. Les étagères des épiceries de Helsinki ont commencé à être vides à partir de Pâques, car à cette période, la consommation bondit brutalement de 30%. Résultat : les Finlandais doivent se débrouiller maintenant pour faire la cuisine sans œufs! Et ils vont devoir s'y habituer, car le syndicat ne prévoit pas d'amélioration de la situation avant la fin de l'été.
Plus de quiches, plus de crêpes, plus de gâteaux, plus de frittatas, plus d'œufs brouillés. Plus rien d'intéressant, quoi. Vous pouvez être sûrs que mon omelette, je l'ai savourée... Et ce, même si, après coup, j'ai réalisé que j'avais payé le gros prix pour ça : le prix des œufs aurait quasiment bondi d'un tiers depuis le mois de janvier.