(Avant de démarrer, juste une mise en contexte. Celui qui parle - Sir Thomas Lemuel Hawke - est alors un jeune homme qui entend devenir chevalier, et qui pour ce faire est devenu l'écuyer de son grand-père, lui-même un preux chevalier. C'est à travers de nombreuses aventures qu'il découvre ce que c'est que de devenir un véritable chevalier.)
«Je ne fus pas longtemps le seul écuyer de Grand-père. Il prit sous sa gouverne un certain Roan Sean Hamilton. Un Irlandais pur jus, vif, fort, intelligent, drôle et extrêmement séduisant. Il était orphelin. Et Grand-père semblait à mes yeux se préoccuper davantage de lui que de moi.
«J'étais doué à l'épée, mais Roan l'était plus que moi, car plus rapide et plus fort. J'étais bon cavalier, mais Roan était tout bonnement meilleur que moi sur un cheval. Et il y avait cette dulcinée, Cordelia, qui vivait non loin de là. Je m'étais toujours imaginé qu'elle et moi, un beau jour, nous nous marierions. Je savais qu'elle le pensait elle aussi, mais à la minute-même où leurs regards se sont croisés, j'ai vu qu'elle était tombée amoureuse de lui.
«Depuis, je ne cessais d'agoniser. Au tout début, j'avais apprécié la présence de Roan, mais au fur et à mesure qu'on passait du temps ensemble, j'éprouvais l'horrible sensation d'être perpétuellement humilié : son excellence se riait de ma médiocrité.
«Et puis, après m'être mal comporté à l'égard de Roan -je suis désolé de le confesser devant vous, mes enfants -, Grand-père m'a tiré à part pour me donner une gifle monumentale.
- C'est quoi, ton problème? m'a-t-il hurlé en pleine face, rouge de colère.
- Il est meilleur que moi, en tout, lui ai-je dit, piteux.
- Mais bon sang, tu ne vois pas que vous êtes tous les deux des êtres exceptionnels?! a-t-il alors lancé, des éclairs dans les yeux.
«Quelques semaines plus tard, Grand-père a dû remplir une mission : briser un mouvement de rébellion lancé par le duc d'Easton et sauver, par la même occasion, Philip Trelawny le Bien-Aimé ainsi que ses enfants, qui avaient été pris en otages. Grand-père refusait que nous l'accompagnions, estimant que nous étions encre trop jeunes pour cela. Mais nous, forts de nos 21 ans, étions convaincus du contraire, et surtout, fébriles d'enfin combattre vraiment. Nous lui avons tenu tête, et sommes partis avec lui.