«J'en ai parlé à une trentaine d'autres femmes dirigeantes au bureau de Toronto, et toutes m'ont confié, individuellement, qu'il leur arrivait, à elles aussi, de pleurer au travail, a-t-elle poursuivi. D'apprendre ça a été immense soulagement pour moi, car je croyais être la seule à pleurer à l'occasion, dans mon coin.»
Passé le soulagement, cela l'a fait réfléchir. Mme Hubert s'est demandée pourquoi les femmes, et parfois les hommes, avaient aussi souvent la larme à l'œil au bureau. «J'en suis arrivée à la conclusion que les pleurs surviennent lorsqu'il y a un profond désaccord avec quelqu'un ou quelque chose. Un désaccord qui porte sur les valeurs que l'on a. Un désaccord résultant du fait que nos valeurs sont soudainement bousculées», a-t-elle dit.
De fait, notre système lacrymal se met à sécréter des larmes par réflexe, en général dans deux cas particuliers : lorsque notre système nerveux détecte un danger pour la cornée (poussière, acidité d'une molécule, etc.), afin d'évacuer celui-ci au plus vite; ou lorsque nous ressentons une vive émotion (douleur, désespoir, joie, etc.). La composition des larmes diffère selon ce qui les a déclenchées, sachant que les pleurs d'émotion contiennent plus de protéines et d'hormones que les autres.
Cette différence de composition explique d'ailleurs pourquoi les femmes pleurent quatre fois plus souvent que les hommes. En effet, c'est une question d'hormones, et non pas d'une supposée plus grande "sensibilité" des femmes que les hommes. Ce n'est qu'après la puberté que les femmes se mettent à produire plus de larmes que les hommes. La raison en est surtout qu'elles produisent certaines hormones que les hommes, eux, ne produisent pas, comme la prolactine – l'hormone responsable de la lactation après l'accouchement – et la lactotransferrine – l'hormone qui régule la production de lait. Présentes dans le corps des femmes passé la puberté, et surtout après le premier accouchement, elles facilitent la sécrétion de larmes.
Les pleurs au travail ont donc une origine à la fois biologique et émotionnelle. Comme l'a indiqué Sheryl Sanberg, la directrice générale de Facebook, lors d'une entrevue accordée au journal d'affaires indien Mint : «Nous sommes tous des êtres émotionnels, et je considère qu'il est très bien de partager nos émotions au travail, a-t-elle dit. Moi-même, il m'arrive de pleurer au bureau, j'ai même déjà pleuré sur l'épaule de Mark [Zuckerberg]».
«J'estime qu'une personne n'est jamais tout à fait la même du lundi au vendredi, de 9h à 17h, tout comme elle n'est pas la même au travail et en congé. Et qu'il est bon d'être authentiques, en tout temps», a ajouté l'auteure du best-seller Lean In: Women, Work, and the Will to Lead.