Le mot Ubuntu est souvent lié au proverbe «Umuntu ngumuntu ngabantu», qui veut dire «Je suis ce que je suis parce que vous êtes ce que vous êtes», ou d'une manière plus littérale «Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous». L’idée est donc qu’il existe entre les êtres humains une relation particulière qui nous permet de construire notre identité au sein du groupe dans lequel nous évoluons, et cette relation est basée sur la réciprocité et le partage.
Desmond Tutu, un autre prix Nobel de la paix sud-africain, considère d'ailleurs que l’Ubuntu est ce qui caractérise les grands leaders : «Ils sont ouverts d’esprit. Ils sont disponibles pour les autres. Ils leur sont même dévoués. Ils n’ont pas peur des agissements des autres, car ils savent que, nous tous, nous faisons partie de quelque chose de plus grand que nous. Et inversement, ils sont meurtris lorsqu’autrui est oppressé ou torturé», estime-t-il.
C'est durant son long séjour à la prison de Robben Island que Nelson Mandela s'est véritablement éveillé à l'Ubuntu. Il a séjourné là durant 18 de ses 27 années d'emprisonnement, enfermé dans une minuscule cellule aux barreaux blancs et condamné aux travaux forcés dans une carrière de chaux. «Le temps, pour moi, de découvrir qu'il y a en chacun de nous une étincelle d'humanité qui ne demande qu'à sortir au grand jour», a-t-il confié dans son autobiographie.
En prison, il a fait l'admiration des autres détenus, en combattant fermement toute atteinte à sa dignité. Amhed Katrada, l'un de ses codétenus, raconte ainsi qu'il refusait d'appeler les gardiens par le terme baas (patron, en afrikaan), comme ceux-ci l'exigeaient pourtant. Mais surtout, il a eu l'intelligence de chercher à comprendre pourquoi les Afrikaners – en particulier ses gardiens – se comportaient aussi brutalement envers les autres. Il était ouvert au dialogue, à la discussion, alors que d'autres prisonniers membres de l'ANC comme lui refusaient de leur parler, et même de les regarder. Et il a découvert que l'explication était toute simple : la peur.
Oui, les Afrikaners avaient peur de perdre le pouvoir et de ce qu'une majorité noire pourrait leur faire si les Blancs devenaient politiquement minoritaires en Afrique du Sud. Cette peur les poussait à commettre l'innommable, à pratiquer la plus féroce des ségrégations raciales, l'apartheid. Et il en est logiquement arrivé à la conclusion que si l'on voulait que les choses changent au mieux dans ce pays, il fallait combattre cette peur.