Comment expliquer un tel écart? Les explications sont multiples. Une évidente est que ceux qui restent fidèles à leur employeur voient leur progression salariale freinée par les politiques de rémunération internes : supposons que vous ayez connu une performance professionnelle exceptionnelle en 2014, eh bien, votre manager ne pourra pas vous accorder en fin d'année une hausse conséquente, car il sera contraint de limiter celle-ci à un plafond préétabli. Idem, rares sont les employés qui bénéficient d'une vraie promotion à l'interne tous les deux ans, au point de booster à chaque fois leur rémunération.
C'est clair, la logique pousse à l'infidélité. D'autant plus que nous sommes aujourd'hui en pleine guerre des talents, les entreprises s'arrachant à prix d'or les employés au potentiel des plus prometteurs, qu'ils soient en début ou en milieu de carrière. Et que les personnes performantes sont mieux placées que jamais pour en tirer parti.
Pourtant, une question se pose, de toute évidence : connaissez-vous beaucoup de gens qui changent volontairement d'employeur tous les deux ans? Ou même tous les trois ans? Non, j'imagine. Vous en connaissez, c'est vrai, mais pas tant que ça.
Comment expliquer ce mystère? C'est que la logique n'explique pas tout. Vous comme moi, nous sommes avant tout des "animaux sociaux" comme disait Aristote, et non pas des "animaux logiques" comme voudraient le croire certains. En conséquence, nous ne faisons que peu des choix purement logiques et davantage des choix, disons, humains. Si, par exemple, nous sommes attachés à un employeur, c'est que nous nous sentons bien au sein de l'équipe dans laquelle nous évoluons. Du moins, assez bien pour préférer y rester plutôt que d'attirer dans une équipe dont on ne connaît rien. Cela peut aussi s'expliquer par le fait que tout le monde n'est pas assez à l'aise avec le changement au point d'occuper tous les deux ans de nouvelles fonctions dans une entreprise à chaque fois différente de la précédente (en termes de valeurs, etc.).
Un chiffre illustre tout cela à merveille : l'étude de l'Apec montre qu'en 2013 seulement 6% des cadres ont changé d'entreprise en France, un pourcentage similaire d'une année sur l'autre. Comme quoi, les arrivistes – ceux qui ne courent qu'après le prestige et l'argent, la langue à terre – ne sont pas si nombreux que cela. (Fiou!)