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J’ai beaucoup hésité avant d’écrire cette chronique. Dénoncer haut et fort un abus subi est un acte qui est souvent extrêmement difficile à faire. Se libérer d’un tel fardeau physique et mental peut prendre des années.
Je ne pouvais rester muet par rapport à ce tremblement de terre sociétal. Rarement a-t-on vu un mouvement aussi puissant que celui de ces dernières semaines.
Je me rappelle de ce jour comme si c’était hier. Mon entraîneur de basketball m’avait invité à regarder quelques vidéos de stratégie chez lui. Je n’avais rien trouvé d’anormal à ça, c’était un samedi et le gymnase du cégep était fermé.
Arrivé chez lui, on s’est dirigé vers le salon et nous nous sommes assis sur un sofa face à la télé. À peine quelques minutes plus tard, il me demanda si j’avais mal aux pieds en se baissant pour les prendre dans ses mains. Je trouvais la situation vraiment bizarre et lui disais que mes pieds allaient très bien. Puis, il commença à masser le haut de mon dos.
Sans hésiter une seule seconde, je me suis levé et je suis parti. Mon cœur débattait et j’étais sous le choc. Je n’ai rien dit à personne, car je ne savais tout simplement pas ce qui venait de se passer.
Des années plus tard, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir au Téléjournal ce même entraîneur, menottes aux poings. Il venait d’être condamné pour ce que la juge a nommé comme «chatouille sexuelle sur des pieds de garçons». Je n’en revenais pas, j’étais bouche bée.
J’ai réalisé que j’avais frôlé la catastrophe. J’ai réalisé que l’on peut tous être une victime. J’étais à des années-lumière de l’image que l’on a de celles-ci. Je fais 6 pieds 5, pesait 210 livres et était un athlète dans la meilleure forme de sa vie, loin d’être intimidé par quiconque.
Lorsque j’ai réalisé ce qu’il avait essayé de me faire des années auparavant, je suis devenu enragé. Je me suis dit que si j’avais dénoncé cet incident, il n’y aurait pas eu d’autres victimes.
Tristement, en parlant avec d’autres joueurs qui étaient à l’époque dans mon équipe, j’ai réalisé que je n’étais pas le seul et que plusieurs d’entre nous avaient subi les agissements de cet entraîneur.
Le silence est le meilleur ami de l’agresseur. Aucun d’entre nous n’avait levé la main afin de mettre fin à ses sinistres fantasmes… Étrangement, nous ne nous savions même pas victimes.
J’ai été parmi les chanceux. Je ne pourrai jamais comparer ce que j’ai vécu avec d’autres. Les gestes étaient peut-être «moins pire», l’intention, elle, était aussi grave.
En tant qu’entrepreneur ayant une autorité envers plusieurs employés, j’ai rapidement réalisé qu’il fallait mener par l’exemple. Le respect de ses employés s’acquiert, selon moi, avec le travail et la détermination que je montre au quotidien plutôt qu’avec le titre sur ma carte d’affaires. Malheureusement, certains agresseurs utilisent cette autorité à mauvais escient.
J’invite donc par cette chronique tous les entrepreneurs à adopter dans leur entreprise un code de déontologie strict qui ne laisse aucune place à l’inconduite, l’abus ou le harcèlement de toute sorte et envers toute personne.
Une entreprise saine ne doit pas se définir seulement par le succès monétaire, mais nous devrions aussi la juger par le respect qu’elle montre envers ses employés.